©Jean-Christophe Béchet
Adepte de la vitalité de la Street photography, puisant son énergie dans ce que la ville produit de formes et de pas se croisant, de solitudes et de foules aveugles, Jean-Christophe Béchet a produit avec son dernier opus Macadam Color une sorte de manifeste esthétique.
Hymne à la couleur et aux valeurs des ombres, cet ouvrage publié en format italien, comportant cent dix reproductions en quadrichromie, est d’une beauté invitant à l’introspection.
On pense bien entendu aux maîtres de la photographie couleur américaine, mais aussi au Suisse Beat Streuli, à la Française Géraldine Lay ou à Philip-Lorca diCorcia.
©Jean-Christophe Béchet
Des pointes ou des aplats de couleur, une impression d’héraldique, comme si le quotidien était blasonné de couleurs intenses.
Le regard suit la silhouette d’une femme aux cheveux roux et découvre des correspondances, une picturalité naturellement ordonnatrice du placement des corps dans l’espace.
Car, s’il sait peindre des solitudes, Jean-Christophe Béchet sait aussi réunir nombre de personnages dans son cadre, proposant des pistes de lecture multiples.
©Jean-Christophe Béchet
Le photographe aime se perdre dans les grandes villes, et faire de son boitier de visions un amer essentiel.
Chez lui, la couleur est une matière porteuse d’esprit, comme celle d’un végétal ou d’un moment de rêve.
On trouvera dans Macadam Color – ne pas confondre avec le film de John Schlesinger, Macadam Cowboy, 1969 – les photographies d’une vie, soit la biographie d’un regard.
Nous sommes sur un vaste plateau de cinéma aux dimensions de la planète, les projecteurs chauffent, des figurants passent.
©Jean-Christophe Béchet
Chacun son monde, ses préoccupations, sa couleur de peau, ses habitudes vestimentaires, et pourtant l’impression est celle de l’universalité des postures, des gestes, des visages dialoguant sans même se connaître.
On trouve en fin de volume des légendes, nom des lieux et dates (La Havane, Tokyo, Orlando, Pékin, Bangkok, Dublin, Strasbourg, Djenné… ; 2013, 2018, 1987, 2019, 2016…), mais au fond peu importe la neige ou le soleil, la casquette ou le costume, le maquillage ou le sans-apprêt, quand s’impose d’abord l’évidence d’un for intérieur impénétrable, d’une solitude ontologique, d’une ligne de vie à la fois unique et quelque peu dérisoire à l’échelle des continents.
Un être humain ? Une pulsation de temps dans une pulsation d’espace.
©Jean-Christophe Béchet
En un lyrisme à la fois doux et brut, de pur illuminisme et d’enténèbrement, Jean-Christophe Béchet invente un alléluia profane, n’occultant jamais le mystère d’être au monde par les illusions d’un discours ignorant sa part d’inconnaissable.
Vers où marche-t-on ? Vers qui ? Vers quoi ? Pour quelles fins ?
Nous sommes ici comme au jour du Jugement dernier, au moment de la révélation, quand les somnambules se réveillent enfin.
©Jean-Christophe Béchet
Nous étions invisibles, et sommes désormais désignés.
Voici le moment de répondre : « Humain, qu’as-tu fait de ta vie ? qu’as-tu fait de l’amour ? »
Jean-Christophe Béchet, Macadam Color Street Photo, éditeur Eric Cez, entretiens avec Michel Poivert, Sylvie Hugues et Jean-Luc Monterosso, Editions Loco, 2022, 194 pages – 1200 exemplaires
Jean-Christophe Béchet – site
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Le blog de Fabien Ribery 