Des suées de vie-mort-vie, par Celine Croze, photographe

©Celine Croze

C’est un livre envoûtant, noir, dangereux.

Il y a ici quelque chose du premier d’Agata (Mala Noche) doublé d’une texture des images, d’un traitement chromatique et d’une approche de la nuit comme espace de solitude, de dépense et de sacrifice faisant songer à la fois à Alisa Resnik (L’un l’autre, On the night that we leave), et à Ulrich Lebeuf (Dakar Nuit).

Nous sommes en Amérique du Sud, à Caracas notamment, dans la moiteur et la sensualité immédiate des corps et des espaces.

©Celine Croze

Le quartier El Silencio se saoule au mauvais rhum, il fait un temps de désespérance et de joie démente, la liberté est un pari qui se gagne en dollars, les coqs s’entretuent dans le gallodrome surchauffé.

Le feu est l’élément central de Siempre que, premier livre de Celine Croze, publié par Lamaindonne (David Fourré).

Le feu qui anime les gangs et les sous-sols de la ville craquelée, le feu qui donne la fièvre, le feu qui consume en sauvant.

©Celine Croze

Le désir flambe, la mort rôde, demain n’existe pas.

On croise un regard, on tombe amoureux(se), on est prêt à tout, il n’y aura pas de retour possible.

Il lui a dit : « Tant que nous serons en vie, nous nous verrons. »

Elle a répondu par un baiser, puis, après son décès, par un livre.

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C’est une prière dans un petit matin glauque, c’est un acte de foi envers l’aimé, l’amant, le bel enfant perdu des quartiers gangrénés par la violence endémique. 

La pulpe de la bouche embrasse la douceur d’un visage, il y a un matelas où accorder les cicatrices.

Cette chambre ressemble à une cellule de prison, viens, nous en ferons en océan de désir.

L’homme gémit, le coq crie, le sang a coulé.

Vérité des balles de pistolet, férocité des instincts déchaînés, catharsis collective créée par un spectacle infâme – toujours moins infect que l’organisation par les instances officielles du prurit social.  

©Celine Croze

Dieu est là, dans la bouteille en plastique remplie d’alcool, dans le draps sales, dans la chambre froide.

De quoi aurais-tu la peur ? La vie est un passage, une allumette craquée du bout des doigts, un tatouage ou deux et puis s’en va.

Celine Croze observe la nuit, la déréliction, la misère de ses frères humains, dans des images dont on pourrait penser qu’elles sont rehaussées à la peinture à l’huile.

©Celine Croze

Il y a au centre du livre des captures d’écrans, de la sérialité, la réitération d’une pulsion de mort, la décomposition d’un hurlement.

L’homme est un gallinacé comme les autres.

Les petites putains sont des déesses au bord de l’évanouissement, le ciel est en transe, les chiens galeux sont les maîtres du monde.

C’est l’instant de l’agave, du déchirement aux pics d’alcool et de sexe, les démons sont de sortie.

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Siempre que se fout de la police, des gestes policés, de la bienséance des nantis.

C’est une claque donnée à un moribond, un geste de réveil souverain alors que tout sombre dans l’ennui, le calcul plat et l’absence de véritable emportement.  

Celine Croze, Siempre que, texte Celine Croze, photogravure Guillaume Geneste (La Chambre noire), Editions Lamaindonne, 2022, 120 pages

https://www.lamaindonne.fr/produit/siempre-que/

©Celine Croze

https://sitdown.fr/artistes-2/celine-croze

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