Des oiseaux, par Pierre Bergounioux, écrivain

Les oiseaux se meurent, les oiseaux nous fuient, et pourtant les oiseaux sont partout, en littérature (Fabienne Raphoz, Marielle Macé), en photographie (une collection sublime leur est dédiée chez Atelier EXB), dans les réflexions écosophiques (Vinciane Despret, Stéphane Durand, Baptiste Morizot).

Inaugurant la collection « Penser, décider, agir » des éditions Belopolie – avec Notre part de solidarité, de l’historienne et chercheuse au CNRS Axelle Brodiez-Dolino -, Les Oiseaux est un texte court de nature autobiographique de Pierre Bergounioux évoquant l’importance de la fascinante gent ailée dans son existence. 

Le confinement leur a redonné une place inespérée dans nos jardins, nos rues, nos imaginaires, mais depuis ? Il semble qu’il y ait de moins en moins de poètes, à plumes ou pas, pour porter le chant du monde.

Il faut lire lentement Les Oiseaux, la prose de Pierre Bergounioux se déguste.

Il y eut des loups dans Paris, « aux jours affreux de la guerre anglaise », il y eut des renards longeant la Seine, des sangliers égarés, et même des taureaux, et tant d’insectes.

Faudrait-il qu’aujourd’hui Kafka se rende au Museum d’histoire naturelle pour trouver l’inspiration du personnage principal de La Métamorphose ?

Enfant, Pierre Bergounioux eut deux passions, le merle et le martinet, dont le silence soudain annonçait le changement de saison.

« Voilà une vingtaine d’années, en février, confie l’écrivain, à La Havane, j’écoutais Fidel Castro, en plein air. Il faisait très doux, à ce moment de l’année, dans la mer des Caraïbes. Deux ou trois rapides oiseaux noirs sont venus tournoyer au droit de l’estrade où parlait le Lider Maximo. J’ai mis un instant à réaliser. C’étaient des martinets. »

Il faut être attentif à la venue des oiseaux.

Ainsi, alors que j’emménageais à Douarnenez il y a plus de vingt ans, et que j’avais laissé les fenêtres ouvertes, un geai, volatile plutôt craintif, pénétra dans le salon. C’était un cadeau de ma défunte arrière-grand-mère dont c’était l’oiseau préféré, et qui me souhaitait la bienvenue dans une nouvelle vie.

A Brest, quelques années plus tard, un autre oiseau – je ne sus pas lequel – entra dans ma bibliothèque et picora sévèrement la tranche d’un seul livre, noir, terrifiant, comme s’il avait fallu s’attaquer au mal lui-même : il s’agissait de l’ouvrage Ice, d’Antoine d’Agata, exemplaire saccagé, transformé en objet de haute lutte.

Il faisait si froid ce jour-là que le jeune Bergounioux trouva sur l’herbe gelée un oiseau au large plastron orangé et aux ailes bleues.

« Personne n’a su me dire son nom. On ne l’avait jamais vu mais les adultes s’intéressaient peu aux oiseaux, encore moins aux insectes et il y avait bien longtemps, déjà, que je ne les écoutais plus. Ils étaient à peu près aveugles et sourds. »

Faut-il être un enfant pour recevoir la faveur des oiseaux, leur grâce, leur beauté ?

« Lorenz, se souvient l’auteur de Miette (Gallimard, 1995), hébergeait, dans son grenier, une colonie de choucas. Il pousse un jour la porte, un béret noir à la main, et n’est pas peu surpris d’être assailli par ces oiseaux avec lesquels il se croyait en bons termes. Il en avait fréquemment deux ou trois sur sa table de travail, le dossier de sa chaise ou cavalièrement juchés sur son épaule et voilà qu’ils lui veulent du mal, s’ingénient à lui crever les yeux. Il réussit à quitter le grenier, referme la porte et se demande ce qui a bien pu lui valoir cette attaque soudaine. C’est le béret qu’il tenait à la main. Observateurs médiocres, comme l’oie face à la fouine, ils l’ont pris pour l’un des leurs, mort, aux mains de l’homme et se sont jetés sur ce dernier pour se venger. »

Il y a quelques semaines, alors que je m’étais assis par terre, pour échapper au vent, en compagnie d’une amie, contre le parapet du pont enjambant l’Elorn à l’entrée de Brest, une buse est venue se poser à deux reprises sur le béton à quelques centimètres de ma nuque.

J’ai interrogé de plus éveillés que moi sur le sens de ce signe étonnant.

Pierre Bergounioux se souvient quant à lui de la présence de la chouette dans sa vie.

Les Oiseaux est en cela un livre précieux, qui nous propose doucement de retracer les grandes étapes de notre vie en regard de la présence animale la blasonnant.

Pierre Bergounioux, Les Oiseaux, Belopolie, 2022, 32 pages

Axelle Brodiez-Dolino, Notre part de solidarité, Belopolie, 2022, 32 pages

L’association Belopolie est éditrice des revues NOTO et La nuit

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