
« et au-delà des champs / gorgés du sang des morts / à peine enterrés / toujours la même histoire / entre les nantis / et les démunis »
Ecrire chaque jour, par hygiène mentale, pour parfaire son instrument, pour percer le mur qui ne cesse de se (re)bâtir autour de nous.
En son cinquième recueil poétique aux éditions Allia, L’imparfait du subjectif – après Joker & Mat, La Banlieue du monde, Le Silence des mots, Stations des profondeurs -, Gérard Berréby s’attaque une nouvelle fois à l’impossible, revenant au littéral, armé de mots, et d’un espoir persistant malgré tout dans le délabrement en cours.
Dans « la dévastation », dans « le sac de Rome », « nous avançons à reculons / entre les ombres ».
« Un monde de chiens », écrit-il.
La rage monte de la cendre, traverse le paraître et le sol jonché d’ailes écrasées.
« menacée de l’intérieur / la paix du cœur / en état de manque »
Pourquoi s’inquiéter ? « ici le pire est déjà arrivé / tout le monde est mort »
Nous n’avons plus qu’à renaître en parfum de rose.
En ses 110 poèmes, L’imparfait du subjectif lance des lignes de sens brisé « dans l’univers difforme ».
Chaque texte est un souffle, une respiration, une nouvelle impression d’Afrique intérieure.
La vie princière est possible, odeur de glycines, volupté des corps, « apogée de la lettre ».
La vie érémitique ? Oui, non, la rue jusqu’à l’épuisement, les bouquets d’hysope, l’invention d’autres scénarios.
De la conjugalité ? Non, des duos souples.
On peut, il faut faire le compte des maux, mais aussi chercher un passage d’innocence dans le feu.
Desserrer les sangles d’étranglement.
« il n’est pas trop tard / même s’il est déjà trop tard »
Voilà.
Le numéro 96 est sublime, rappelant Tristan Corbière : « extinction / adieu crapaud doré »

Gérard Berréby, L’Imparfait du subjectif, Allia, 2023, 128 pages