La politique des poètes, par Jean Frémon, galeriste, critique d’art

Etel Adnan, Paysage, 2014. Huile sur toile, 32 x 41 cm. Donation Claude & France Lemand 2018. Musée, Institut du monde arabe, Paris. © Etel Adnan. Photo Jean-Louis Losi « Nul d’entre nous n’est égal au total exact de ses apparences. » (Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci) Mes lecteurs réguliers ont peut-être…

Altiplano, vertiges de la mémoire, par Paule du Bouchet, écrivain

Hampatura ©Jean-Patrick Razon « Les montagnes sont comme l’arc du temps, surgi du néant pour s’enfoncer un peu plus loin, dans l’éternité minuscule d’une vie. Aujourd’hui il se trouve que c’est la mienne. Pour cela seul, ces montagnes-là que je retrouve, ces sommets, ces dessins, ces courbes hallucinées parcourues de douceur et de l’ombre des nuages…

Poétiques de l’image, par Jean Daive, critique

Hiroshima, mon amour – Marguerite Duras/Alain Resnais, 1959 Après L’Exclusion (éditions Galerie Jean Fournier, 2015), livre développant à travers les réflexions d’Aby Warburg, Walter Benjamin, André Malraux et Robert Rauschenberg, le postulat « ce que je regarde n’est pas ce que je vois », et l’ouvrage Pas encore une image (éditions L’Atelier contemporain, 2019), où il est…

Les miscellanées de Marcel Cohen, écrivain

« Près du petit temple, l’odeur de terre remuée était on ne peut plus présente mais la tranchée avait été en partie comblée. Des oiseaux picoraient la terre remuée. Ils s’envolèrent à mon approche et tournèrent longtemps face au soleil avant de revenir se poser sur la terre fraîche, rassurés par mon immobilité. » (Voyages à Waïzata,…

A propos de prés, par Francis Ponge, poète

Le Printemps, 1956 – Pablo Picasso « Au dessus des prés à l’aube et le soir, / la nappe de brume » En 1971 fut publié chez Skira, dans la collection « Les Sentiers de la création », La Fabrique du Pré, de Francis Ponge, livre montrant les dessous – ou brouillons – du poème Le Pré, le poète…

Translaturi me salutant, un entretien avec James Joyce, écrivain catholique

« Il est étrange, Monsieur Hoffmeister, que tous les instants de cet été me semblent des plus sacrés. » Il faut imaginer James Joyce entouré de langues de feu, écrivant pendant près de quinze ans Finnegans Wake dans une Pentecôte ininterrompue. En France, peu nombreux sont les aventuriers ayant tenté de traduire ce monument, don du Verbe,…

Ralentir, poésie, travaux, par Hans Faverey, poète hollandais

« Suis-je oui appelé. // Suis-je non appelé. // Je ne peux pas partir d’ici. / Ma voie de sortie est ici. / Sauf avis contraire. // j’arrive tout à l’heure. » Il faut des passeurs, des messagers, des traducteurs. Il faut l’enthousiasme et l’ambition de maisons d’édition croyant, contre les vents et marées de…

Fraîcheur d’André du Bouchet, poète andante

« Son expression est d’une lassitude venue de très loin, dans les yeux surtout, cette lassitude qu’on lit parfois sur le visage d’un nouveau-né. Dans le regard il y a en même temps un étonnement. » (Paule du Bouchet) Je devais avoir besoin de beaucoup de silence, pour avoir ce jour-là, à la sortie de l’adolescence, acheté en…

Dora Maar, la femme qui se souvient, par Stéphan Lévy-Kuentz

« Nom d’artiste, Dora Maar. Altière, sensuelle, révolutionnaire. Beauté classique aux yeux verts, cheveux d’un noir profond. Femme de tête et tête à chapeaux. Sa forte personnalité fascine Saint-Germain-des-Prés et elle le sait. » Des cinq inspiratrices majeures de la vie de Pablo Picasso, Dora Maar, née Henriette Theodora Markovitch (1907-1997), fut La femme qui pleure, celle…

Peindre ce qui vient vers nous, par Pierre Tal Coat

Pierre Tal Coat (1905/1985) est un très beau peintre aujourd’hui relativement méconnu des plus jeunes, l’exposition rétrospective magistrale que lui consacra en 1976 le Grand Palais, dans un accrochage imaginé par le poète André du Bouchet, datant quelque peu. Les éditions strasbourgeoises L’Atelier contemporain font aujourd’hui revivre son œuvre, et sa parole, à travers une…

En désespoir de cause

Dans un livre majeur publié en 1956, L’Obsolescence de l’homme, sous-titré Sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industrielle, le philosophe allemand Günther Anders écrit : « Nous vivons désormais dans une humanité pour laquelle « le monde » et l’expérience du monde ont perdu toute valeur : rien désormais n’a d’intérêt, si ce n’est le fantôme du…