Une Amérique mobile et précaire, un paysage photographique en cent vingt diapositives

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On ne connaît pas, ou presque pas, en France – tant mieux, on va encore s’amuser/s’émerveiller – John Brinckerhoff Jackson, géographe américain ayant effectué en 1976 un périple lui ayant fait parcourir la moitié de son pays : Californie, Nouveau-Mexique, Tennessee, Virginie, Illinois, Indiana, Iowa…

Son projet rejoint la démarche photographique des légendes Walker Evans (American Photographs, 1938), Robert Frank (Les Américains, 1958), Edward Ruscha (Twentysix Gasoline Stations, 1963), Stephen Shore.

La voiture chargée de pellicules diapositives couleur, le voici parti à la rencontre de paysages ordinaires, comme l’ont fait peu avant lui d’autres aventuriers du bitume, architectes, urbanistes, chercheurs, tels que David Lowenthal, Donald Appleyard ou Richard Longstreth.

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Le peu de qualité supposé des lieux photographiés devient au contraire, lorsque l’on s’y attarde un peu, un superbe terrain d’exploration pour l’imaginaire et la sensibilité.

Comment habite-t-on le paysage ?

Un arrêt rapide sur le bord d’une route suffit à immortaliser une scène. Ne surtout pas sombrer dans l’esthétisme, la recherche d’effets, la préciosité ou la professionnalisation du regard.

Saisir un pays dans son flux, ses territoires vernaculaires, son mythe, sa modernité, ses surfaces, ses marges qui sont des centres.

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S’imposent ici la publicité et le vide, la société de consommation et son corollaire le périssable.

On pense à l’Amérique des freeways de Jean Baudrillard (livre de 1986), à la prolifération des simulacres, aux petites extases de la pure apparence.

Constituer des archives, documenter des situations géographiques précises, être attentif au plus proche, telles sont les ambitions des photographes ayant pris pour sujet une Amérique a priori anti-spectaculaire.

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Une poubelle Campbell, une voiture sous un garage, de la pluie. Titre de cette photographie de David Lowenthal : « Jardin de banlieue et ordures avant leur ramassage, San Diego, California, 1965-1968 »

Un rapide coup d’œil aux légendes donne le ton : « Délabrement lié à la pauvreté, parkings, septembre 1979 », « Route coupée par l’Interstate 70, près de Pittsburgh, Pennsylvania, November 1982 », « Communauté rurale, vente de fusils aux enchères, Dakota du Sud, mai 1976 »

Même en couleur, nombre de photographies donnent l’impression d’être en noir et blanc.

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L’Amérique du pop art est surtout un désert peuplé de solitudes.

Les ruines y sont légions, que montreront sans y insister des images se voulant descriptives/objectives.

Pas de pittoresques, mais des compositions à la dimension hautement picturale.

Les poteaux de couleurs rimbaldiens ne sont pas le sujet, mais l’infra-ordinaire perecquien.

Ce sont des instantanés modestes, des non-lieux – notion de l’anthropologue Marc Augé – dont le destin est de proliférer, telles des cellules ou capsules de vies précaires, pourtant fortement ancrées dans les paysages.

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C’est l’Amérique de Wanda, de Barbara Loden, d’Alice de Wim Wenders, mais aussi des personnages, aujourd’hui, de la cinéaste Kelly Reichardt.

Ce sont des axes commerciaux, des routes abandonnées, des logements ouvriers, des clôtures, des entrepôts, des granges, des étables, des motels, des aires de repos, des Mobil-Home, des corps de fermes, des véhicules de toutes sortes, des panneaux publicitaires, des stations-service, des restos routiers, des champs, des magasins de première nécessité.

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Mais pourquoi des diapositives ?

Jordi Ballesta : « La diapositive était manifestement le support qui répondait le mieux à leurs attentes documentaires. Parce qu’elle est susceptible d’accueillir des annotations écrites, je pense qu’elle facilite le passage de l’image au texte. Elle peut aisément être classée, déplacée, associée, mise de côté et réintégrée, et peut ainsi accompagner au plus près le développement d’une pensée typologique, l’établissement d’une problématique et la mise en place d’un cheminement narratif. »

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Saluons une nouvelle fois le travail de défrichage de Gilles Mora, directeur artistique du Pavillon Populaire de Montpellier, où ces images sont exposées jusqu’au 16 avril 2017.

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Notes sur l’asphalte, Une Amérique mobile et précaire, 1956-1989, sous la direction de Jordi Ballesta et Camille Fallet, éditions Hazan, 144 pages – 120 illustrations

Catalogue de l’exposition ayant lieu au Pavillon Populaire de Montpellier du 8 février au 16 avril 2017

Editions Hazan

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Acheter Notes sur l’asphalte sur le site leslibraires.fr

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