« S’il m’arrive de mourir, / sache que je te charge / de m’attacher les mains / avec tes tresses noires. »
Une belle amie, assise au piano, m’a chanté quelques coplas d’origine andalouse, poèmes d’amour qui sont des quatrains aux lèvres pleines de sang, ivres et brûlants.
C’est le chant d’un peuple, une âme répandue en milliers de paquets de vers jaillis de l’âtre d’un volcan.
C’est la joie, la peine, l’énergie primitive d’une population tombée sur terre pour y répandre la révolution par l’amour.
C’est une plainte, un cri, une danse de rupture et de réconciliation, un impossible baiser.
« Lorsque l’aimée naquit, écrit Guy Lévis Mano, passeur de la copla en français, il y eut liesse au ciel et même Jésus dansa. A l’église, devant la belle, les saints, tous saints qu’ils soient, pourraient descendre de l’autel. »
La copla naît en Andalousie, elle est donc rouge et blanche.
Elle est, selon leur fameux éditeur français d’origine grecque, syncrétisme, juive par la lamentation, maure par l’accompagnement de guitare, gitane par le corps jeté dans le feu.
Chacun rêve de renaître régulièrement. Chacun meurt trop souvent. Chacun cherche les yeux qui, plantés dans les siens, l’incendieront.
Nous les lisons, mais ces poèmes ne sont pas écrits, ce sont de purs moments d’extase.
Il y a des orangers, des rossignols, des fleurs, des pieds nus, des dents de corail, des hommes et femmes se rencontrant dans des jardins.
A côté de la serrure est posée une clef, c’est une invitation à jouir.
« Petit amant, petit amant, / mon amant, mon amant, / les cils me gênent / pour te regarder »
Il y a des mantilles couvertes d’épingles, des œillets noirs, des rivières fraîches comme des églises.
Les chevelures sont très brunes, et les fiancés nombreux.
L’amour s’enfuit, c’est une hirondelle plus rapide que Dieu.
Les soupirs de la nuit sont-ils d’adieu ou de plaisir ?
« J’ai vu un homme vivre / avec plus de cent coups de poignard, / et ensuite je l’ai vu mourir / à cause d’un regard. »
Solitude.
Pleurs.
Désir.
Consolation.
« D’une côte d’Adam / Dieu créa la femme, / pour laisser aux hommes / cet os à ronger. »
Marie, notre mère à tous, est vierge, et nous ne sommes pas encore nés.
Coplas, Poèmes de l’amour andalou, texte de Federico Garcia Lorca, traduit de l’espagnol par Guy Lévis Mano, illustrations de Javier Vilato, Editions Allia, 1998, 2016, 80 pages