
C’est un livre merveilleux de douceur et de pudeur.
Sa discrétion est une éthique, comme un chuchotement à la porte de sa chambre lorsque l’enfant dort.
Il s’intitule Motherhood, soit la maternité, mais l’anglais apporte sous la protection du mot « hood » une nuance d’enchantement et de mystère que n’a pas le terme français.
‘Little Red Riding Hood’ désigne ainsi dans la langue de Shakespeare notre Petit Chaperon rouge.

Motherhood est donc un giron, contenant le corps d’un enfant, des végétaux, des étendues liquides, et des bouquets de pages blanches.
On y entre en faisant silence, sur la pointe des pieds, les yeux grand ouverts.
Voici un espace de délicatesse que baigne, pourquoi ne pas risquer l’expression, un flux d’amour envers ce qui est, fragile, précaire et pourtant immortel.

L’instant photographique est moins une saisie qu’une empreinte sur l’envol de la feuille du vivant qui passe, à la fois fugace et définitif.
Motherhood invite à l’attention, c’est sans nul doute un livre bouddhiste connaissant la valeur du satori.
De la poudre de perlimpinpin des nuages naissent des paysages, des forêts de feuillus, des énigmes vertes et noires.

Une petite fille a les paupières closes, elle connaît le début et la fin de l’histoire, son pays se nomme le Jadis.
Tout apparaît pour elle dans une forme de surprésence, parce que tout est inactuel, atemporel, vibrant en sa loi propre.
Il y a ici du conte, de la peur du loup, et des filaments de lumière comme des cailloux sur le chemin.

La pénombre préserve, c’est celle des parents se rencontrant sous les draps à la tombée de la nuit, parce qu’en eux bat un désir de floraison, d’union, de création.
Maintenant la petite fille, bloc de volonté, inamovible en ses trébuchements mêmes, pose les pieds sur la plage, dans la tourbe, alors que Saturne fait tourner en vain sa mélancolie.
Elle danse, et dans son mouvement entraîne avec elle l’ensemble du paysage.
Motherhood est une musique des sphères, un éloge du terrestre, un cadeau pour qui aura la chance d’en percevoir la part d’immémorial.
Laure Maugeais, Motherhood, autopublication, 2019, 46 images, 80 pages, reliure suisse – 200 exemplaires
