La grande santé, par Antonio Jiménez Saiz, photographe

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©Antonio Jiménez Saiz

Cet homme-là est un mystère, qui, à soixante ans, quasiment seul, vient de produire deux livres magnifiques, Elite Controllers (2016), No nos aprenden a morir (2018) [chroniqué dans L’Intervalle], et cinq fanzines.

Antonio Jiménez Saiz est un autodidacte à qui la photographie est apparue comme un moyen d’expression majeur, un outil capable de révéler la profondeur de son monde intérieur, une nécessité d’équilibre.

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©Antonio Jiménez Saiz

La finesse de son regard, la densité de sa pensée visuelle, et la composition extrêmement soignée de ses livres dénotent d’une volonté de ne créer que des œuvres premières et ultimes, ouvertes, définitives, fulgurantes de beauté.

Elite Controllers est une méditation sur la maladie et le salut, sur la grâce et la mort, sur le silence et le cri muet de la matière.

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©Antonio Jiménez Saiz

Une phrase inscrite à la fin du livre en délivre le propos : « Moins de 1% des personnes infectées par le VIH contrôlent naturellement la multiplication de l’infection en l’absence de thérapie. Chez ces séropositifs, le virus, bien que présent, est indétectable. De plus, leur système immunitaire reste suffisamment résistant pour protéger leur organisme des maladies opportunistes. Cependant, on ne peut en aucun cas considérer ces résistances comme un acquis définitif. »

Le virus est une épée de Damoclès, on ne peut savoir exactement comment le corps y réagira au long terme, quand il semble que lui soit accordé, quelquefois, bien rarement, le sursis des plus chanceux.

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©Antonio Jiménez Saiz

Les photographies sont ici de natures diverses, en noir & blanc et couleur, très nettes ou floues, proches d’expérimentations formelles faisant songer au travail d’un sculpteur de lumière ou d’un peintre abstrait puisant son inspiration dans les flux de l’inconscient.

L’impression immédiate est d’une grande maîtrise du rythme et des analogies, alliée à une sensualité omniprésente, envers l’herbe balayée par le vent, envers le dos, les pieds, les seins, les jambes d’une femme aimée, envers le tissu qui flotte, tombe ou s’ouvre.

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©Antonio Jiménez Saiz

Elite Controllers commence par quatre radiographies sur feuille volante, quatre merveilles de dévoilement outrepassant par leur énigme splendide tout diagnostic.

Pourquoi cette femme est-elle une miraculée ? Pourquoi pas les autres ? Pourquoi pas moi ?

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©Antonio Jiménez Saiz

D’une façon extrêmement sensible et pudique, Antonio Jiménez Saiz construit le portrait d’une femme qu’il regarde avec beaucoup de délicatesse, et un désir qui ne l’emporte jamais sur le sens du tact.

Tout est ici question de justes distances, de silences, d’ellipses, de sous-conversations fécondes, de complicité.

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©Antonio Jiménez Saiz

Ne pas craindre le blanc, ne pas craindre le noir, être ensemble dans l’instant, pleinement, dans le bonheur du don/contre-don.

Un virus mortel se promène dans le corps d’une femme.

Inventer un livre comme on imagine une caresse.

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©Antonio Jiménez Saiz

Choisir de faire l’amour en images.

La mort est une fleur de sexe carnivore, irrésistible.

Vivre avec et parmi les intervalles, et tous ceux ayant fait un bond hors du rang des meurtriers, voilà bien un projet nécessitant qu’on lui consacre toutes ses forces.

Antonio Jiménez Saiz en a la carrure.

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Antonio Jiménez Saiz, Elite Controllers, 2016, autopublication – 250 exemplaires numérotés et signés

Antonio Jiménez Saiz

Exposition à l’Espace Contretype (Bruxelles) de No nos aprenden a morir dans une scénographie d’une grande subtilité – du 5 juin au 1er septembre 2019 (fermeture du 15 juillet au 15 août)

Espace Contretype

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©Antonio Jiménez Saiz

Se procurer au Tipi Bookshop (Bruxelles) Elite Controllers

 

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