Le ravage, le Royaume, par Yannick Haenel, François Meyronnis et Valentin Retz (2)

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Tout est accompli, du trio Yannick Haenel, François Meyronnis et Valentin Retz, est un livre qu’il faut prendre le temps de lire très attentivement.

Parce que la réflexion y est de grande ampleur – le diagnostic du ravage de la planète Terre et de ses habitants par la fureur de la volonté de puissance aboutissant à la prison algorithmique -, inactuelle – une analyse sans concession de la Révolution française dans son délire criminel (assassiner le Dieu chrétien) -, scandaleuse pour beaucoup (le salut par le Christ).

Pensant la littérature comme voie de délivrance et éveil, les fondateurs de la revue Ligne de risque vont aujourd’hui plus loin, proposant la traversée du désert social par le feu de la parole chrétienne.

Tout est accompli est donc un livre messianique.

Nous avons poussé la pierre barrant l’accès au sépulcre, et le saint tombeau est vide.

La cadavre de Jésus de Nazareth a-t-il été volé ? Non, il est ressuscité, se tenant près de nous pour les siècles des siècles.

C’est cet homme debout depuis des années, place de la République à Paris, dont la présence obstinée au cœur des agitations politiques indique une direction de prière.

Cet homme de peu est peut-être le seul à ne pas vivre du spectacle, se situant exactement dans l’intervalle où s’opèrent les miracles, vainqueur du mal, parce que se plaçant à la suite de qui a connu pour nous par son sacrifice le malheur suprême et a déjà vaincu le monde.

Qui a traversé la mort de son vivant peut être considéré comme un envoyé, un élu, à l’instar du Messager suprême, dont la parole, bien plus puissante que celle de la pensée calculante, est une onction pour qui accepte d’être sauvé, ou se rend compte qu’il l’est déjà.

A l’âge de la fin, de l’extermination du vivant en tant que tel, notamment par le projet transhumaniste, Yannick Haenel, François Meyronnis et Valentin Retz annoncent une bonne nouvelle : le divin se donnera à qui percevra, sous la parole prostituée, les étincelles d’un monde antérieur se proposant d’advenir – car déjà advenu pour toujours.

Quelles différences faites-vous entre le reste et le résidu ?

L’une des choses qui caractérisent les Temps modernes, c’est le refus de l’idée de sacrifice. Dans cette perspective, le sacrifice est tout juste bon à remiser dans une pièce du musée de l’Homme. Le problème, c’est que si l’on postule que tout est profane, la réciproque s’applique aussitôt : tout est sacré. Ce qui signifie que tout est en proie — tout doit être détruit. Nous sommes là au cœur de la courbure des Temps moderne. La civilisation occidentale prétendait en finir avec le sacrifice, et celui-ci a fait retour sur nous avec une violence inimaginable.

Cette violence aujourd’hui prend trois formes. L’emprise de la cybernétique, la mise en joue atomique et la destruction environnementale, indissociable du Marché global.

Dans notre livre, nous proposons une nouvelle doctrine du sacrifice. Celle de René Girard nous semble non seulement réductrice, mais fausse dans son principe. Pour lui, le sacrifice relève exclusivement de l’anthropologie. Il le pense en rapport avec ce qu’il appelle la violence mimétique. Le sacrifice permettant simplement de passer de la violence de chacun contre chacun à celle de tous contre un seul.

Pour nous, la messe catholique — donc aussi la Passion et la Résurrection du Christ — n’est pas du tout une sortie du sacrifice comme le croit abusivement Girard, mais son accomplissement.

Un sacrifice opère le partage entre « reste » et « résidu ». Il s’agit à chaque fois de rapprocher ce qui est à disposition, le monde qui nous entoure, de ce qui est indisponible. Dès lors, le « reste » correspond à ce qui est rapproché, et rendu vivant par ce rapprochement ; et le « résidu », à la part qui demeure éloignée de ce qui rend vivant. Celui qui accomplit entièrement le sacrifice, et qui rassemble en lui tous ses moments — il est à la fois sacrificateur, sacrifiant, destinataire et offrande —, c’est le Messie d’Israël, en tant qu’il est la parole incarnée. À travers lui, la parole se fait sacrifice ; et le sacrifice, parole. Voilà le sens de la formule de Paul dans l’Épître aux Hébreux : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as façonné un corps. » Bref, la parole s’est incarnée pour qu’il y ait accomplissement du sacrifice, et que celui-ci soit le salut du monde. En somme, le reste qu’il s’agit toujours d’extraire du monde n’est rien d’autre que la part qui a été mise en réserve dans la victoire du Messie d’Israël. Et cette part, c’est l’amour.

Quand il est accepté par les hommes, le sacrifice retire au monde ce qui l’enfermerait en lui-même.

Qu’entendez-vous précisément en désignant la France préchrétienne comme « terre de sorcellerie » ?

Toutes les terres habitées par les hommes sont liées à des dieux, des morts, des esprits, et à tout un monde invisible. On ne peut pas réduire le monde à ce qui se voit, encore moins à l’action humaine. Nous ne sommes pas seuls sur terre. Jusqu’aux Temps modernes, les civilisations postulaient qu’il y a aussi des invisibles, ayant eux-mêmes une histoire enroulée dans celle des peuples. Même en mille cinq cents ans, l’Église catholique n’a pu réduire cette dimension païenne. Elle a dû composer avec elle, christianisant certains de ses aspects et cantonnant pour le reste l’influence des sorciers dans les marges. Pour parler spécifiquement de la France, celle-ci est à la fois terre de sorcellerie, terre catholique et une terre vouée à la laïcité républicaine comme nouveau culte.

La République est-elle pour vous l’autre nom du blasphème ?

La République n’est pas l’autre nom du blasphème. Mais elle a été instaurée en France par une inversion systématique de la liturgie catholique. On ne comprend rien à l’histoire de la Révolution française si on l’envisage avec les yeux du pharmacien Homais, le personnage de Madame Bovary, incarnant le type même du bourgeois scientiste et progressiste. Homais a été produit par la Révolution. Il ne comprend rien au processus qui l’a fabriqué et, malheureusement, comme lui, l’ensemble des Français en est souvent réduit à ânonner le catéchisme républicain. Ce qui, entre nous, empêche de comprendre quoi que ce soit au moment révolutionnaire.

On ne saisit la dynamique interne de celui-ci qu’en comprenant à quel point il est lié au sacré antérieur. En fait, il le renverse, il le parasite ; et en ceci il demeure pris dans sa syntaxe. On peut donc décrire la Révolution comme une liturgie à l’envers. Ainsi Fouché, ancien oratorien, organise-t-il à Lyon, en novembre 1793, une véritable messe noire. Place des Terreaux, il dispose une procession de sectionnaires sans-culottes faisant cortège à un âne à la queue duquel on a accroché la Bible et un crucifix. Revêtu des vêtements liturgiques de l’archevêque de Lyon, l’âne est incité par les révolutionnaires à piétiner des hosties consacrées après avoir bu du vin de messe dans un calice. Après la messe noire, on a droit aux sacrifices humains des 4 et 5 décembre 1793. On tire des jeunes gens des prisons, puis on les lie deux par deux, et là on les massacre en les canonnant avec de la mitraille avant que des cavaliers achèvent les survivants à coups de sabre. Ce genre de cérémonie lugubre n’a rien d’exceptionnel. Dans d’autres endroits de France, on a pu constater le même genre de violences blasphématoires. Au plus fort du moment révolutionnaire, le culte était d’ailleurs rigoureusement interdit, et les prêtres le desservant condamnés à mort, de même que les fidèles. Les édifices religieux étaient à l’époque désaffectés, et parfois dévolus à d’autres célébrations, en particulier celles dédiées à la déesse Raison. Les révolutionnaires ont même essayé de s’en prendre au calendrier. Ils en ont institué un nouveau commençant le 22 septembre, jour de proclamation de la République. Comme l’évêque Grégoire demandait à quoi pouvait bien servir ce nouveau calendrier, l’un des conventionnels lui répondit simplement : « Il sert à supprimer le dimanche ». C’est-à-dire à faire refluer Dieu. Quant aux fêtes, on remplace les saints par des fruits, des plantes, des légumes ou des minéraux. À la Noël, plus question de fêter la naissance du Sauveur, mais le jour du chien ; l’Épiphanie est subrogée par la morue ; la Toussaint, par le salsifis.

Lisez-vous la Révolution française à l’ombre de Joseph de Maistre la comprenant comme guerre de religion ? La France serait-elle par excellence le pays du déicide, et pourtant également, par sa littérature – idée sollersienne que vous reprenez – à la porte du Royaume ?

Il n’est même pas nécessaire de se mettre « dans l’ombre » de Joseph de Maistre, comme vous dites, pour comprendre que la Révolution a été une guerre de religion. Et cette guerre se prolonge à travers tout le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui. C’est en effet dans ce pays, voué par Louis XIII à la Vierge Marie le 10 février 1638, que l’on a mis Dieu à mort. La scène racontée dans le Gai Savoir par Nietzsche se passe donc en France et dans la langue française. Le 21 janvier 1793, à 10h20, on ne coupe pas seulement la tête d’un monarque, on décapite un souverain configuré au Messie d’Israël par l’onction reçue à Reims. On pensait d’ailleurs le roi de France comme un évêque du dehors. Parce qu’il incarnait le Royaume, il appartenait aussi à l’Église. Donc à Israël. Les rois de France se comparant aux rois de Juda, ancêtres du Messie, il y avait continuité entre le royaume de France et le Royaume des Cieux. C’est cela qui aujourd’hui n’est plus pensé, et que pourtant la littérature française n’a cessé de rappeler, de Baudelaire à Jean Genet. Il n’est pas indifférent de noter que les écrivains du XIXe siècle — Balzac, Baudelaire, Barbey d’Aurevilly — lisaient attentivement Joseph de Maistre, dont ils recevaient une certaine compréhension de la nervure révolutionnaire. Par là, ils témoignaient que la France pouvait être à la fois le pays du déicide tout en se tenant à chaque instant à la porte du Royaume. Au cœur de celui-ci, ils reconnaissaient la parole, qui empêche le monde de se clore sur lui-même. Si Balzac peut décrire aussi bien la société de son temps, c’est précisément parce qu’il se situe au-dehors. Pas question de se laisser enfermer dans la partouze sociale.

Reprocheriez-vous à la science galiléenne, un Galiléen cherchant à chasser l’autre, son besoin de violer les secrets et le déploiement de l’omnipotence du calcul ? Ne vous enchantez-vous pas a contrario des découvertes de la physique quantique ? Qu’aurait pu nous apprendre l’Olympica, de « l’hérésiarque » Descartes de cette obstination à vouloir remplacer l’universel catholique par un universel mathématique ?

Nous ne reprochons rien à la science galiléenne. Seulement, nous essayons de penser la malignité qui se dissimule en elle. On a l’habitude d’associer la science avec le bien. De notre point de vue, cela n’aide pas à comprendre ce qu’elle est, ni ce qu’elle fait. Dans Tout est accompli, nous démontrons que la science n’est rien d’autre qu’une hérésie chrétienne. Elle pose sa catholicité, c’est-à-dire son rapport avec l’universel, en miroir de la catholicité chrétienne. L’universel de la science galiléenne renvoie aux formes mathématiques, à la possibilité de tout réduire à des mesures à l’intérieur d’un espace cosmique homogène entièrement soumis à la géométrie euclidienne. Ce primat de la mathématique aboutit à ne retenir du monde que sa transposition en valeurs numériques. À tout ce qui existe, la nouvelle science surimpose un hologramme mathématique à partir duquel elle peut convoquer à sa guise chaque chose et l’agencer dans ses procédures. L’universel chrétien, quant à lui, repose sur l’impossible, c’est-à-dire sur la certitude de traverser la mort. Si l’on prend en compte cet événement, la Résurrection, plus moyen d’enfermer quoi que ce soit dans le cercle du monde. En ressuscitant, Jésus-Christ a ouvert la brèche par laquelle chacun peut se laisser rejoindre par le divin.

La science moderne, depuis Descartes et Galilée, réduit le monde « sensible » à sa structure géométrique. C’est par là qu’elle met les choses en demeure de révéler ce qu’elle cache. Cette mise en demeure, généralement inaperçue, comporte une extraordinaire violence. Ce qui était à l’arrière-plan, la science ne cesse de le propulser en première ligne. Toute son histoire n’est donc qu’un assaut continuel contre replis et tréfonds. Nous arrivons à ce point du temps où l’effet en retour de ce forçage pèse sur l’ensemble des êtres vivants. Avec le déploiement du calcul dans le Dispositif, cette réquisition acharnée à l’encontre de toute latence modifie les conditions mêmes de la vie sur terre. Quant aux hommes, ils seront bientôt remodelés par les noces de la biologie et de la cybernétique, comme l’annoncent les sectateurs du transhumanisme. Ceux-ci projettent d’ailleurs le transfert de l’humanité sur un autre astre, le jour où le nôtre sera devenu inhabitable. Le délire transhumaniste, qui par certains côtés est apparenté au délire eugéniste des nazis, ne vient pas de nulle part. Il est déjà en germe dans la science moderne, qui refaçonne le monde à son image, le réduisant ainsi au calcul.

Pour ce qui est de la physique quantique, on ne peut pas dire qu’elle nous enchante. Certes, avec elle, la science ne prétend plus décrire le monde conçu comme un ensemble de faits, ainsi que le voulaient les scientistes ; mais elle procède à une dissolution générale. Avec la théorie quantique, la science ne traite plus que des probabilités. Car au niveau de la physique des particules, il n’y a plus de faits, seulement des possibilités. Ainsi la science dans son dernier avatar renonce-t-elle à saisir autre chose que son propre calcul. On liquide la chimère scientiste, mais cela se paie par un bouclage dans la réduction statistique.

N’y a-t-il d’accès à « la parole derrière la parole » qu’à prolonger l’instant de l’ordalie, ou du sacrifice ? La Shoah ne fut-elle pas un sacrifice inversé visant à exterminer la possibilité même de toute parole en la soumettant à la fureur du « dernier homme »?

On accède à la parole derrière la parole — c’est-à-dire au langage proportionné à l’incommensurable, qui a sa source dans le vide qui précède chaque mot — en acceptant de mourir à soi-même. Quand Céline définit ce qu’il appelle le « je » lyrique drôle, il fait cette observation très judicieuse : « Il faut être plus qu’un petit peu mort pour être vraiment rigolo ! voilà ! il faut qu’on vous ait détaché. » Impossible, donc, d’accéder à la parole derrière la parole si l’on n’a pas été « détaché » — si l’on ne parle pas, d’une certaine façon, depuis la mort. Alors oui, il faut être ordalique. Tout véritable écrivain est ordalique.

En un sens, il n’y a littérature que lorsqu’une parole s’oriente vers le cœur du langage. Ce qui suppose que l’écrivain cède le pas à la parole — que le fini cède le pas à l’infini. Par ailleurs, la littérature a un lien constitutif avec la défaillance. Elle part toujours de la lézarde, de ce qui est blessé, vacillant, dépourvu de sens, et depuis cette lacune elle remonte vers l’axe de la parole. Or l’axe de la parole, c’est précisément le cœur du Royaume ; de sorte que la littérature ne cesse d’en recevoir les éclats, qu’elle porte ensuite vers le monde dans une annonce prophétique.

Lorsque vous nous demandez si la Shoah n’est pas un sacrifice inversé visant à exterminer la possibilité même de toute parole, vous touchez un point important. Ce qui est en jeu dans la Shoah, c’est non seulement le Royaume, mais encore son cœur : la parole réellement parlante. C’est elle que les nazis, fût-ce sans le savoir, cherchaient à atteindre à travers les juifs. Derrière le débordement de violence hitlérien, il y a la volonté d’en finir avec la parole, donc avec le Dieu des juifs. Le national-socialisme était avant tout un biologisme scientiste. Son but : en terminer avec Israël sous toutes ses formes. C’est aussi celui du « dernier homme », dont le transhumanisme est aujourd’hui l’idéologie dominante.

Le trio Meyronnis-Haenel-Retz est-il résolument antimoderne ?

Nous sommes si peu modernes, au fond, que nous n’avons jamais été antimodernes. Quelqu’un qui se définirait comme tel demeurerait entièrement régi par ce qu’il refuse. Nous nous méfions beaucoup des gens qui s’adossent au préfixe « anti ». En définitive, ils ne sont déterminés que par ce qu’ils combattent. Nous sommes d’autant moins antimodernes que nous annonçons l’engloutissement des Temps modernes dans une courbure.

Si l’âge de la fin dans lequel on entre avec la Première Guerre mondiale résulte bien des Temps modernes, il inaugure toutefois une époque entièrement nouvelle : celle de l’accomplissement planétaire du nihilisme. Quelqu’un qui en tiendrait encore pour quelque forme que ce soit de progressisme ne peut plus être estimé, en 2019, que pour un imbécile. Il y a des progressistes de gauche, de droite, et tous partagent le même aveuglement. Ils raisonnent dans des catégories, celles des Temps modernes, qui sont déjà échues.

Walter Benjamin employait un terme particulièrement éclairant pour décrire le décalage entre un discours affiché et une situation historique. Afin de présenter les bavardages héraldiques et blasonnés tenus par les chancelleries des Empires centraux en 1914, Benjamin employait le concept de « phraséologie ». Notre analyse, c’est que tous les discours liés aux Temps modernes opèrent désormais comme une phraséologie. On a beau parler à tout bout de champ de « progrès », de « démocratie », de « souveraineté », d’« émancipation », ou encore de « marché libre », de « croissance économique », tous ces vocables ne renvoient qu’à un monde englouti ; celui où chacun de ces mots s’applique à des états de faits. Or, dans un monde régi par la réticulation cybernétique, il n’y a plus de faits ; car ces derniers ont été dissous dans le flux continuel des informations.

L’une des choses qui nous caractérisent tous les trois, c’est que nous avons toujours été extraordinairement sceptiques quant aux Lumières françaises. Elles nous ont toujours semblé très peu lumineuses, pour ne pas dire étroites et métaphysiquement nulles. Voilà pourquoi nous nous sommes intéressés si passionnément aux mystiques juives et chrétiennes, mais aussi aux mystiques de toutes les traditions.

Quel rapport entre le vouloir et le « saut », dans la foi, l’écoute, la parole ?

Toute véritable parole procède d’une écoute, et cette écoute renvoie elle-même à une parole antérieure. Le saut dans la foi consiste à admettre que cette parole nous a parlé, et nous a nommé d’une façon qui échappe à toutes les nominations humaines. Cela suppose de faire confiance à cette parole, d’être emmené, et de ne plus faire fond sur soi. En ceci, le saut dont nous parlons ne relève aucunement d’une métaphysique de la volonté. Faire le saut dans la foi, c’est, comme le dit maître Eckhart, s’abandonner au Gelassenheit — au « laissé être ».

La publication de votre livre a-t-il entraîné des débats, par exemple avec Alain Badiou ou les militants du Comité invisible ?

Notre livre n’a pour l’instant entraîné aucune réaction significative, ce qui reflète l’inanité du débat intellectuel en 2019 ; et aussi l’emprise d’une certaine censure rampante, et déniée en tant que telle. Badiou adhère encore à la révolution communiste, alors que nous démontrons son impossibilité radicale au XXIe siècle. Quant aux militants du Comité invisible, ils croient encore aux « beaux gestes » des militants de la « Bonne cause ». La position de Badiou ne relève à notre avis que d’une posture avantageuse, tandis qu’il y a une certaine effectivité dans la prose étincelante du Comité invisible. Nous ne les mettons donc pas sur le même plan. Débattre avec les amis de Julien Coupat aurait un sens ; mais pas avec un fantoche qui retarde.

Propos recueillis par Fabien Ribery

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Yannick Haenel, François Meyronnis, Valentin Retz, Tout est accompli, Grasset, 2019, 368 pages

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