
Il y a de petits Plossu qui sont de grands Plossu.
Quand Bernard a décidé de devenir papa, il a ramassé de petits cailloux multicolores, les a photographiés, et a fait naître une fille.

Des yeux comme des galets, des petits points sur la plage comme une peinture dans le sable d’Australie, voici Manuela, sa fille, auteure chez Arnaud Bizalion d’un Mémoire de poche.
Elle est photographe aussi, et cueilleuse, glaneuse, graveuse, peintre.

Pour se comprendre, la fille de pierre a pleuré des larmes de roche, très loin des Aborigènes, à Oaxaca, au Mexique.
La terre est rouge, indigène, secrète, animée de mille présences.

« Dans la démarche de peindre les cailloux, précise en préface Manuela Plossu, ce n’est pas simplement le fait de vouloir retranscrire une émotion, mais plutôt laisser le dialogue de la nature se révéler à moi. »
C’est ténu, mystérieux, fin.

Ne pas trop réfléchir, dessiner à l’instinct, pratiquer un rite inconnu, pour soi, pour les dieux de la nature, pour quelques spectateurs, pour l’oiseau à la gorge bleue.
Comme Patti Smith, ramasser un jour un caillou en Guyane, à Cayenne, et le déposer des années plus tard sur la tombe de Jean Genet, à Larache, au Maroc, ou même à la Ciotat.

Il y a parfois des choses qu’il faut faire, sans trop savoir pourquoi.
Tenir à la fidélité d’un geste, d’un filet de peinture sur une petite chose grise, d’un symbole d’enchevêtrements, d’une pyramide jaune.

De façon très délicate, Manuela Plossu ouvre sa boite à trésors, peuplée de formes primitives.
Son travail est d’appropriation et de lâcher prise.

Pourquoi tracer à l’encre noire le décor d’une cuisine, la luxuriance d’un jardin, un cactus ?
Pourquoi peindre encore à côté des frères et sœurs de Lascaux et de Chauvet et d’Altamira ?

Giorgio Morandi, Braque, rien n’est plus beau qu’une nature morte, qu’une feuille d’or, qu’un paysage chinois.
Et de marcher encore dans le paysage neuf.
Manuela Plossu, Mémoire de poche, textes Manuela Plossu & Elisabeth Foch, Arnaud Bizalion Editeur, 2019