Melancholia, ma belle, ô ma torture, par Antonio Jiménez Saiz, photographe

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©  Antonio Jiménez Saiz

Après Elite Controllers (2016), No nos Aprenden a morir (2018), et une dizaine de fanzines réalisés généralement en une nuit, dans l’urgence de la création, voici le troisième livre d’Antonio Jiménez Saiz, tant de poussière, et moi si sourd.

C’est une œuvre de glas, un face à face terrible avec la mélancolie, cette muse des artistes, mais surtout cette angoissante impossibilité de vivre au quotidien, cette paralysie, ce rétrécissement de soi menant à l’enfer.

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©  Antonio Jiménez Saiz

Se lève aussi de cet ouvrage sans concession, ce qui le rend si troublant dans la fermeté même de son douloureux labyrinthe existentiel, une impression de grande compassion  envers le vivant.

Les ténèbres sont là, oui, comme l’espoir d’une couleur, d’une grâce, d’une rédemption.

Cet homme empêché s’appelle Alba, épitaphe accrochée au cou comme on traîne une laisse : « Je suis mort, n’en parlons plus. »

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©  Antonio Jiménez Saiz

Mais au cou, il y a davantage encore que la brûlure du joug, il y a l’art, le boîtier de vision, l’ange du salut.

Pas de chansonnette, mais des arbres effondrés et des brumes d’égarement.

Pas de cinéma, mais un cercueil en fils de fer.

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©  Antonio Jiménez Saiz

Un saint décapité marche sur l’eau.

Le repas est prêt, mais les convives ne viendront peut-être jamais.

Monsieur a-t-il pris son traitement ?

Faut-il augmenter la dose ?

Avez-vous bien noté la date de votre prochain rendez-vous ?

Si ça ne marche pas, il vous reste toujours Dieu, ou Satan.

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©  Antonio Jiménez Saiz

Non, les chemins ne mènent pas nulle part, mais dans ces tunnels d’inquiétude jonchés d’ossements d’animaux et de statues brisées.

tant de poussière, et moi si sourd n’est pas un livre facile : tout y est à déchiffrer, décrypter, pour peut-être enfin sortir du souterrain où repose l’impossible.

Car il y a aussi des fantômes doux, des présences discrètes, des formes protectrices, des guides.

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©  Antonio Jiménez Saiz

L’artiste de nécessité ne se délectant pas de ses impasses cherche à les faire venir à lui, non par chic ou goût du défi, mais pour les regarder sans ciller, jusqu’à leurs ultimes métamorphoses.

Traverser la muraille.

Tenter de se réinventer.

Sortir de la cage.

S’il est iconoclaste quelquefois, et piétine ses possibilités de joie, c’est que l’ambition est si haute : l’absolu sinon rien.

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©  Antonio Jiménez Saiz

La table est mise, là-bas, de l’autre côté de la forêt, mais il faut traverser tant d’obstacles, tant de croix, tant de ruines.

Tremblement d’un squelette dans un tremblement de feuilles.

Le pied bute sur une pierre, c’est le début d’un escalier appelé avec Darwin évolution des espèces.

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©  Antonio Jiménez Saiz

Des chimpanzés s’épouillent, Dürer grave Melancholia, pensant métempsychose, Antonio Jimenez Saiz se gratte la tête, capitaine au long cours d’un mal pour quelques heures désactivé.

Dans un cahier détachable inséré dans son ouvrage, évoquant une odyssée intime aux marges de l’infigurable, apparaît le visage très beau d’un Rédempteur.

Il faut le glisser à différents endroits du livre, pour qu’enfin tout soit sauvé.

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Antonio Jiménez Saiz, tant de poussière, et moi si sourd, Lathuy, 2020

Se procurer le livre d’Antonio Jiménez Saiz en allant sur le site de Tipi Bookshop

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©  Antonio Jimenez Saiz

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