Rome, caro diario, par Florence Cats & Joseph Charroy, photographes, plasticiens

Lavori in corso – Travaux en cours – est un livre de documents bruts, très beaux dans leur nudité et l’intelligence de leur assemblage.

Il est de Florence Cats et Joseph Charroy, dont les œuvres réalisées ensemble sont des preuves d’amour, et des relances existentielles.

Les éditions Primitive sont leur arche d’alliance, catalogue ouvert aux talentueux amis.

Composition réalisée durant une résidence à l’Academia Belgica de Rome, au printemps 2018, Lavori in corso rend compte de leur séjour dans la capitale italienne.

Leur livre est à la fois un traveller book, informé par l’histoire de l’art, doublé du journal très libre d’une relation intime, sensuelle, complice.

Un tigre poursuit une femme à la gorge nue : voilà Rome, qui rapte, séduit, impose.

Rome est une couleur, une forme, un fantasme, l’apparition de la Gradiva sur une serviette en papier dans une tavola du Trastevere.

Rome a des mains de marbre, et la peau craquelée de peinture.

Lavori in corso est une étude sur le corps humain, à la façon des classiques, associant l’Antique et la contemporain, la Renaissance et le quotidien.

Un dos courbé, un bras aux veines saillantes, une poitrine drapée, des pieds sur un canapé, un téton délicatement dégagé.

Des dessins, des esquisses, des essais, sur une note de restaurant, un ticket de cinéma, une feuille poinçonnée.

Mains trouées, images pieuses, nous sommes ici dans la ville du Christ et des amis de Saint Paul.

Des tags rageurs, des désespérés, des déchets encombrant le caniveau, une rambarde en piteux état, des herbes indociles entre des pavés disjoints : Rome est un chantier de grandeur déchue, excitante encore, comme les cuisses nues d’une amoureuse assise sur un parapet entourant son aimé de ses jambes.

Florence Cats et Joseph Charroy exposent les fruits modestes et splendides de leurs recherches dans un livre composite, hybride, passionnant dans l’entrelacs de ses images de natures diverses, et la sensation enthousiasmante d’un présent perpétuel, sans reste.

Photographier, peindre, marcher sur les rives du Tibre, boire (caffé americano, vino rosso), prier, se désirer, et dériver sans craindre de perdre le feu sacré.

Lavori in corso est aussi, dans la présence d’un corbeau extirpant sa pitance d’un sac plastique non loin d’un camion nommé Fratelli, un hommage à Pasolini, l’irréductible, filmant deux pauvres hères marchant sur la via Appia entourés de volatiles espiègles.