© Jean Bizien
« ‘Fais tes valises, on part aux Etats-Unis’ : ainsi commença l’aventure pour le jeune pensionnaire de 13 ans que j’étais alors au collège Jules-Simon de Vannes. A ma grande surprise, mon père était venu m’y chercher un jour de 1946… J’ai d’abord assisté en cette période d’après-guerre à la vente aux enchères des meubles de la villa des Alouettes que nous habitions à Carnac en Bretagne. Quelques mois après, nous prenions le cargo L’Oregon au Havre à destination du ‘rêve américain’. J’étais content, étonné. Mon père avait décidé de tenter sa chance en Amérique… » (Jean Bizien)
A la fin des années 1950, New York, c’est Jack Kerouac et le poète breton Youenne Gwernig, venu s’y installer pour étendre un peu ses voiles.
© Jean Bizien
Leur amitié fut très belle, leur correspondance non moins (voir le livre de René Tanguy, Sad Paradise, chez Locus Solus).
Mais New York alors, ce fut aussi – nous révèlent Filigranes Editions et L’Imagerie de Lannion – Jean Bizien, né à Lorient en 1932, arrivé aux Etats-Unis en 1946.
Assistant d’Irving Penn à partir de 1959, « Dieu le Père »le jeune photographe parcourt en tous sens les différents quartiers de la ville mosaïque, la regardant avec beaucoup de tendresse, et d’un œil enthousiaste pour la vie nouvelle qu’offre ce pays de renaissance – la guerre en Europe n’est pas si loin.
© Jean Bizien
Des couples étendus dans des parcs, des solitaires, la bonté du soleil sur un visage, ou une vaste étendue de neige, des gamins morveux et heureux.
Comme une telle vision fait du bien, aujourd’hui que le masque emporte les visages, et que s’opère un basculement du monde dans le néfaste.
Alors, de simples pigeons sur une grille, un amoureux posant un livre sur le dos de sa partenaire, un homme fumant une cigarette sur un banc, une belle s’apprêtant pour la danse, apparaissent comme des miracles, et nous rappellent de ne pas désespérer totalement d’une véritable vie possible.
© Jean Bizien
La ville est haute, regardée depuis les buildings, ou à partir du bitume de la rue.
Un déjeuner sur l’herbe, une manifestation pour la paix, un peintre du dimanche, un élégant portant des chaussettes à boutons, un ouvrier acrobatique.
Greenwich Village, Little Italy, Limelight Gallery, New York est une fête.
© Jean Bizien
Ah, Monsieur Bizien – il paraît que vous êtes décédé en 2019, mais c’est une fable -, je veux vivre avec vous à New York dans les années 1950, regarder le ballet des passants, boire une bière accoudé à un bar un jour de canicule, accoster une jolie fille, ou deux, ou trois, dans Central Park, me rendre chaque jour au Metropolitan Museum of Art, passer à Harlem, et croire que la fraternité est possible.
« Je me baladais quotidiennement avec mon appareil à la main, confie-t-il à sa fille en février 2019, à l’heure de la pause de midi ou pendant les week-ends. On allait déjeuner dans des restaurants Les Automates, constitués de petites boîtes en verre dans lesquelles il fallait mettre des sous pour obtenir des repas ! J’avais 19ans… »
© Jean Bizien
Jean Bizien célèbre le bonheur d’être là, l’intensité du présent, la gratuité des gestes, la fantaisie du quotidien, l’enfance dans le regard, comme la terrible mélancolie quelquefois.
Jean Bizien, New York, Années 50, coordination éditoriale Valérie Levallois-Bizien et Jean-François Rospape, Filigranes Editions, 2019, 72 pages – 700 exemplaires avec le concours de L’Imagerie, Lannion
Jean Bizien – Filigranes Editions
© Jean Bizien
C est tellement lumineux. Merci pour le partage et … le voyage.
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