© Stephen Shore / MACK
En 1977, Stephen Shore a donné un visage au déclin industriel de son pays, en photographiant l’Etat de New York, la Pennsylvanie et l’est de l’Ohio alors massivement touchés par les difficultés économiques.
Les usines de la métallurgie ferment les unes après les autres, des villages entiers se transforment en désert, la solitude progresse avec l’angoisse.
Le chômage ravage les familles, les bars deviennent les derniers lieux où ne pas se pendre, il faut tenir dans le désastre.
© Stephen Shore / MACK
On le sait, Stephen Shore a contribué dans les années 1970 à la reconnaissance de la photographie couleur comme art majeur.
Tout peut être photographié, tout est banal et rien ne l’est, les assiettes où traînent des reliefs, les intérieurs modestes des demeures de la working class, les friches industrielles, le bitume craquelé.
Les photographies de Stephen Shore sont d’une grande douceur, d’une tonalité presque élégiaque, jamais caustiques.
© Stephen Shore / MACK
Le travail se raréfie, les visages se crispent, mais Stephen Shore ne laisse jamais le désespoir emporter ses images.
Les hommes sont seuls, de plus en plus seuls, pourtant Dieu semble ne pas les abandonner.
Les lumières sont paisibles, la nature est sans tourment, le social est une routine dont il ne faut pas dépendre totalement.
© Stephen Shore / MACK
Si Steel Town, que publie Mack avec beaucoup de sobriété, est un reportage de Shore à la Walker Evans – réalisé pour Fortune Magazine -, montrant des Américains déçus par la politique de Jimmy Carter, pour qui ils avaient probablement voté, c’est bien davantage encore une méditation sur le vide et la plénitude, les feuilles d’automne et les devantures de commerces à vendre, la présence et l’absence.
Y règne un silence qui est moins d’effroi qu’ontologique, une sorte d’acceptation zen, jusque dans les quelques scènes de protestation des syndicats contre l’injustice.
Il faut tout reprendre à neuf, car l’Amérique, étant un mythe fondé sur un inépuisable réservoir d’images, ne s’effondre pas si vite.
© Stephen Shore / MACK
L’argent manque, mais pas l’espace, ni la lumière.
Saisissant les signes d’une organisation sociale encore perceptible, Stephen Shore ne juge pas, ne s’affole pas, touchant chaque visage, chaque scène, chaque situation, comme s’il s’agissait d’un effet de l’éternel retour nietzschéen.
Steel Town pose la double question du temps humain et de la Résurrection.
Stephen Shore, Steel Town, design by Morgan Crowcroft-Brown, MACK (London), 2021, 104 pages
© Stephen Shore / MACK
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