©Philippe Kohn
Être attentif à ce qui est, à ce qui vient, à ce qui persiste dans le temps.
Ne pas chercher l’effet, l’épate, l’exhibition.
Accueillir chaque chose, chaque étant, en sa force de vie et d’ouverture, en son mystère, en sa pudeur.
Philippe Kohn photographie ainsi, que j’avais rencontré avec le livre Haute lumière (éditions Locus, 2018), accompagné de poèmes de Gilles Baudry, frère de l’abbaye de Landévennec, dans le Finistère.
©Philippe Kohn
Son nouvel acte de foi envers l’existant, le simple, le miraculeux, se nomme Au plus près, une autoédition superbe ayant bénéficié du talent des plus grands : Jean-Pierre Haie (Atelier Demi-Teinte) et Isabelle Menu (Atelier Isabelle Menu) pour les tirages argentiques, Daniel Regard pour la photogravure, l’entreprise Escourbiac, dans le Tarn, pour l’impression.
Le poète Gilles Baudry est toujours là, en ami, en protecteur : « Qu’est-ce la beauté ? / Un rien sans la bonté / mais toutes deux alliées : / la grâce, le chant de l’innocence / l’inentamé, l’enfance / non pas à retenir mais à mûrir »
Pas de précipitation, mais une poétique du festina lente – hâte-toi lentement -, œil vif planté dans le calme souverain de la nature.
©Philippe Kohn
Nous sommes à Fontainebleau, en Corrèze, en Corse, dans le Morvan, dans les Cévennes, dans le Jura, partout où l’ordre des choses est à la fois énigme et évidence.
Le paradis est un accord des cinq sens à la fois, odeur de sous-bois, lumière filtrée par les arbres ou un rideau de gaze, matière, forme, goût de l’air, murmures de la nature.
En noir & blanc, Philippe Kohn contemple, à la limite du surréalisme quelquefois, des scènes formidables : la rencontre d’une poussière et d’une lune métaphorisant l’acte de photographie tel qu’il le conçoit, un arbre incurvé parmi une assemblée de sages, rectilignes, droits comme des juges suprêmes, la joie d’une ficelle serpentine, un cairn improvisé par quelque promeneur, des stries étranges, des roches anthropomorphes, un outil, des gants, des boules de pétanque hors d’âge.
©Philippe Kohn
Son œil écoute, grand ouvert sur l’indemne.
Il n’y a pas de faute, le péché originel est une légende, nous sommes sauvés.
Philippe Kohn photographie comme on prie, alors que soudain le soleil éclaire notre visage.
Chacune de ses images est une annonciation, un passage, une possibilité de retournement du regard.
Un crochet humblement disposé, un nid telle une couronne christique, des végétaux un peu burlesques.
Ses natures mortes sont terriblement vivantes, tout ici respire à l’unisson du Créateur, le déploiement des symboles dans l’espace est une merveille, une roue, des clous, un cône, des balais, une pierre gravée, une poubelle tachée de peinture, une fleur.
©Philippe Kohn
Le méditant photographie comme on remercie et s’étonne face au génie de ce qui apparaît.
Nous sommes à Petra, à l’instant où le marcheur, après avoir s’être laissé guidé par de sombres parois de pierre, débouche sur le spectacle grandiose d’un temple nabatéen.
Là-bas ou ici, dans une abbaye construite au bord de l’eau.
Tout est silencieux, mais tout parle, tout est verbe, écriture.
Il y a des anges, des amoncellements cubiques, une sirène endormie, et de drôles de silhouettes minces comme dans l’atelier d’Alberto Giacometti.
Proposant à ses lecteurs une expérience spirituelle, Au plus près témoigne de l’omniprésence du sacré en nos chemins de vie.
Philippe Kohn, Au plus près, poème de Gilles Baudry, conception graphique Géraldine Lepoivre (Typodepoivre), autoédition, 2021