
©Hanne Van Assche
Au fin fond de l’est de la Russie se trouve une petite cité minière appelée Udachny, dans une région la plupart du temps coupée du monde par la glace.
Des températures très basses, une taïga dense, une toundra immense.
Des pins, des rivières, des montagnes donnant l’impression d’une démesure.

©Hanne Van Assche
Peu nombreux sont ici les habitants, dans ce que la Russie considère cependant comme un eldorado naturel.
Cet espace sauvage est l’objet d’un livre de la photographe belge Hanne Van Assche publié chez Stockmans Art Books (Bruno Devos), Lucky.
On trouve en ces terres extrêmes des diamants, dont certains sont parfois exceptionnels, et dont l’exploitation est à l’origine de la création de la ville plutôt prospère d’Udachny.

©Hanne Van Assche
En format ample et sur papier épais donnant à chaque image une présence dense, comme si tout était vu sous la pression atmosphérique imposée par la neige, Lucky est composé de paysages et de portraits très beaux, silencieux, presque solennels.
En leurs fines nuances chromatiques, les images semblent teintées de nostalgie.
L’empire soviétique est là, dans les immeubles réalisés sans prouesse architecturale, mais rehaussés de couleurs comme pour faire oublier la rudesse du passé.
Lénine est un buste de pierre remisé dans une arrière-cour.

©Hanne Van Assche
Place à la vie, à la jeunesse, aux patineuses en tenue de gala, aux jeunes filles jouant les miss, aux regards francs et limpides.
Hanne Van Assche possède l’art de saisir les points de lumière et les aplats colorés dans un univers qui ne pourrait être que blanc, et de grande monotonie.
Aucun ennui ici, mais un enthousiasme calme d’édifices, religieux et laïcs, semblant être l’extériorisation des psychés individuelles.

©Hanne Van Assche
Des couteaux de minces stalactites pendent des rambardes en fer forgé, alors que dans la tempête de neige les enfants jouent comme dans un tableau de Brueghel.
Les portraits sont magnifiques, laissant sourdre en chacun une part importante d’exil et de solitude, de fierté et de mélancolie.
Aucun misérabilisme en cette série conçue dans le froid, mais une sensation de vie très forte, symbolisée par l’enfant tétant le sein de sa jeune mère, tous deux fixant sans ciller le spectateur.
Nous n’avons rien des Sibériens dont vous imaginez peut-être le manque de savoir-vivre, au contraire, semblent-ils dire, nous sommes les témoins d’une haute civilisation en ces terres où l’on travaille dur, où l’on prie avec ferveur, mais où l’on aime aussi séduire et jouer.

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Lucky montre avec une grande fermeté formelle un territoire où la modernité n’a nul besoin d’en rajouter pour être pleinement vécue.
Les enfants peuplent cet ouvrage ne craignant pas les pages blanches, ils sont la virginité, l’avenir de la Russie, l’espoir de l’humanité.
Lucky est un livre qu’il faut découvrir, et méditer.

Hanne Van Assche, Lucky, textes (anglais/russe) Charlotte Baert, Lucas Lai, Loeke Vanhoutteghem, graphisme Amélie Verleene, éditeur Bruno Devos, Stockmans Art Books, 2022, 144 pages – 1000 exemplaires
https://www.hannevanassche.com/
