Assyrie, le chant de l’exil, par Romane Iskaria, photographe

©Romane Iskaria

On connaît peu, ou mal, ou pas du tout la communauté assyrienne, appelée aussi assyro-chaldéenne.

Les Assyriens sont l’ensemble des chrétiens d’Orient – toutes obédiences – parlant un dialecte néo-araméen de l’est (soureth).

Dispersés dans plus de cinquante Etats, à l’extérieur de leur patrie d’origine située en Mésopotamie, – subissant un exode forcé, d’ordre politique, ils vivent essentiellement aux Etats-Unis, en Suède et en Allemagne -, les Assyriens ont besoin d’unité, de lieux où échanger, se retrouver, partager.

Ce peut être une association, une maison ouverte, un site dédié, et, pourquoi pas, avec la photographe Romane Iskaria, un ouvrage superbe, Assyrians.

©Romane Iskaria

La couverture velours bleu persan ravit l’œil et l’esprit, Assyrians s’avérant bien plus qu’un livre d’artiste, un fragment de culture offert à tous.

Née à Marseille, vivant à Bruxelles – son grand-père est issu d’un village assyrien iranien -, Romane Iskaria a conçu un livre composé d’archives, de témoignages, de scènes fictives, questionnant l’exil et la notion d’attachement à partir de portraits, de récits et d’objets.

La nature hybride des images concourt à une multiplicité de pistes de lecture permettant d’aborder dans l’ouverture un peuple uni dans l’exil.

©Romane Iskaria

On peut se rendre par exemple au Louvre pour contempler des sculptures belles et étranges, ou contempler Assyrians comme un champ énergétique transmettant le plus fort d’une culture.

Des fruits, des croix, des architectures.

Des prières, des rivages, des vêtements blancs, noirs et rouges.

Des ruines.

©Romane Iskaria

Ghazel Aziz, architecte de 27 ans née Syrie assyrienne, témoigne : « Depuis les vingt dernières années, il y a eu un nombre d’immigrés inégalé à ce jour. Ils ont déserté. Moi ma maison est là-bas, elle est restée inhabitée pendant plus de cinq ans et puis après nous l’avons donnée à notre voisine. Maintenant elle y vit. Les gens gardent leurs biens comme s’ils espéraient revenir un jour. »

Joseph Ergen est un ingénieur de 38 ans, dont la famille est originaire de Tur Abdin, en Turquie : « Mon oncle m’a accueilli dans le village, je n’y suis resté qu’une semaine car la vie est difficile. J’ai retrouvé les traditions de l’époque avec un vieil araméen, j’ai fait un bond de quarante ans en arrière. »

Mais qui sont ces gens sur les photos de famille usées ?

Les femmes aux cheveux noirs et aux yeux de jais portent leur langue en bijou autour du cou.

©Romane Iskaria

Assyrians est une musique, un chant, un hymne, une mélancolie.

Il y a des rites, difficilement déchiffrables pour les profanes, mais tant mieux, il faut du secret et des signes de reconnaissance entre initiés.

Il y a quelquefois du blanc entre les photographies de petite taille, parce que le vide est aussi ce qui nous lie, et que la mémoire est trouée.

Des montagnes, des sentiers, des sentes, des papiers dispersés, des plans scotchés.

Narho Beth-Kinne est coiffeur : « Avec le temps on a eu le besoin de construire et constituer des églises. On dépasse facilement les deux cents églises en Europe, c’est beaucoup. Au départ notre église était contre l’émigration, et l’exil. Maintenant elle est consciente de la situation. Elle trouve que la diaspora n’est pas un cimetière à ciel ouvert, c’est aussi bénéfique. »

©Romane Iskaria

Maintenant, place à la danse, à la rencontre, à la fête, au mariage peut-être.

On se retrouve à Paris, à Bruxelles, en Iran, en Syrie, en Turquie, en Irak.

L’histoire continue, la jeunesse est ardente.

Et longue vie à Ishtar.

Romane Iskaria, Assyrians, interviews Romane Iskaria, concept et editing Camille Carbonaro & Romane Iskaria, 2022

https://romaneiskaria.com/

©Romane Iskaria

https://www.tipi-bookshop.be/products/assyrians-by-romane-iskaria

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