
Port-Cros, 2011 – Tirage Fresson sur papier, Prêt exceptionnel de l’artiste, 2022, Collection privée, inv. F.2011.40.16A © Bernard Plossu
Il y a une géographie Plossu.
Vous l’avez peut-être cherché dans les allées chauffées à l’or blanc de Paris Photo, mais en vain, une telle accumulation de trésors dans l’ostentation ne peut séduire qui goûte au suprême les sentes de la campagne romaine, et les chemins sans qualité.
Les mondanités ne sont en effet pas pour lui, qui ne fut pas pour rien très proche de Henry Miller (à Big Sur) et de Nicolas Bouvier (à Carouge).
Ayant toujours privilégié l’amitié, des grands et des anonymes, pourvu que la générosité, l’honnêteté et la liberté guident leur existence, Bernard Plossu refuse la gloriole des décorations officielles et des reconnaissances trop pompeuses.
Si elles viennent, tant mieux, tant pis, mais ce sera par inadvertance, presque naturellement, jamais par calcul.

Bernard Plossu, Parc du Castel Sainte-Claire, Hyères, 2021 – Tirage argentique sur papier baryté, Achat, 2021, Hyères – La Banque, musée des Cultures et du Paysage, inv. 2021.8.5 © La Banque, musée des Cultures et du Paysage
Son espace est celui des ombres franches et de l’hiver polonais, des implacables soleils méditerranéens à l’heure où les villages dorment et des ciels chargés de gris.
Ses photographies dialoguaient cet été à Aix-en-Provence avec les dessins de François Marius Granet (Italia discreta), il sera bientôt au MuMa du Havre pour l’exposition Météorologiques conçue par Annette Haudiquet (souvenir ébloui de Nuits électriques en 2020).
On le trouve aussi, jusque fin janvier 2023, dans le superbe musée des Cultures et du Paysage de Hyères (Var), La Banque, dans une exposition intitulée Jardins et îles, la commune de la Côte d’Azur étant à la fois rurale, urbaine, littorale et insulaire.
Pour les îles de Porquerolles et de Port-Cros (une photographie inaugurale y montre Françoise Nunez heureuse), le choix a été fait du tirage Fresson, ce qui donne pour chaque photographie une tonalité très émouvante, un parfum de nostalgie, une présence intime dans le lointain par la physicalité des grains de couleur.

Port-Cros, 2011 – Tirage Fresson sur papier, Prêt exceptionnel de l’artiste, 2022, Collection privée, inv. F.2011.41.19A © Bernard Plossu
Port-Cros apparaît en sa magie voilée, comme si une brume éternelle y régnait, obligeant le regard à devenir plus intérieur.
C’est pour Plossu un territoire encore sauvage : de la terre, des murets de pierres, des palmiers, tout un enchevêtrement végétal resté intact, un royaume pour les dieux, et les humains chanceux, en somme.
En parcourant les jardins de la ville, le photographe a découvert un lieu de soin, de luxuriance, de culture (la villa Noailles) et d’amusements paisibles.
Son œil malicieux saisit des constructions anthropomorphes, des dialogues dans l’absurde et la joie fine entre les bâtiments.
Il y a des paons en liberté, des canards, un chat noir, un pigeon, un labyrinthe de haies, et des arbres ayant chacun leur personnalité.

Parc Saint-Bernard, Hyères, 2021 – Tirage argentique sur papier baryté, Achat, 2021, Hyères – La Banque, musée des Cultures et du Paysage, inv. 2021.8.15 © La Banque, musée des Cultures et du Paysage
Comme à son habitude, Bernard Plossu compose des images silencieuses, presque secrètes, comme participant d’un très long rêve éveillé.
On pourrait se croire avec lui dans une toile du Douanier Rousseau, ou un tableau inédit de Giorgio De Chirico.
La photographie de l’auteur du récent Roma (Filigranes Editions, 2019) est métaphysique, pas au sens de l’intellectualisme assommant des forts en thèse, mais dans une dimension très spontanée, modeste, présocratique.
Héraclite et Parménide écrivirent peu, les longs discours ne siéent pas à l’acuité mentale de qui a eu la tête cognée par le soleil diluant le moi dans une flaque de sueur.

Port-Cros, 2011 – Tirage Fresson sur papier, Prêt exceptionnel de l’artiste, 2022, Collection privée, inv. F.2011.45.31A © Bernard Plossu
Les photographies de Bernard Plossu sont de volupté sèche et d’accueil fantastique de la puissance végétale.
Le saviez-vous ? Le paysage aussi, l’artiste de transe légère le sait très bien, a des yeux.

Hyères / Plossu, Jardins et îles, textes Gilles A. Tiberghien, Françoise Carrassan, conception graphique Patrick Le Bescont, Filigranes Editions / La Banque, musée des Cultures et du Paysage, 2022, 96 pages
https://www.filigranes.com/artiste/plossu-bernard/
Tirages originaux réalisés pour les noir et blanc par Françoise Nunez et Guillaume Geneste et la couleur par l’atelier Fresson

Bernard Plossu, Parc Olbius-Riquier, Hyères, 2021 – Tirage argentique sur papier baryté, Achat, 2021, Hyères – La Banque, musée des Cultures et du Paysage, inv. 2021.8.6 © La Banque, musée des Cultures et du Paysage
Exposition au musée La Banque (Hyères), du 22 octobre 2022 au 23 janvier 2023
https://www.hyeres-tourisme.com/guide-pratique/agenda/
