Le roulement du dé parmi les étoiles, par Nicolas Comment

A l’occasion de Reverb, exposition à la Polka Galerie (Paris), le photographe et auteur-compositeur Nicolas Comment a bien voulu me confier quelques images, et les textes qu’elles ont inspirés à André S. Labarthe, Yannick Haenel et Hélène Giannecchini, Gérard Manset, Bernard Noël, Dominique Baqué.

Consacrée à ses premières séries photographiques, Reverb donne l’occasion de découvrir un univers esthétique où la réalité n’est jamais aussi désirable que lorsqu’elle se vêt d’un manteau de fictions, et entraîne le regard du côté des intervalles.

80 rue Albert, Paris, 2000Nicolas Comment, 80 rue Albert, Paris, 2000. Extrait de La desserte

 « Pas de certitude mais des indices. Rien ne s’impose, tout se devine. Ces prodiges ordinaires n’obéissent qu’à la loi qu’ils se donnent. À la cohérence sinistrée de l’anecdote fait place la cohésion discrète d’un interrègne où la chimie des couleurs et la géométrie des figures inventent un autre récit. Regardez cette toute dernière image : une chaise vide au bout d’une table qui expose et supporte l’infini d’une constellation d’accidents. Qui ne s’attendrait à voir rouler un dé parmi les étoiles ? » André S. Labarthe

Extrait de la postface du livre La desserte, Filigranes éditions, 2001.

Collioure, 2000Nicolas Comment, Collioure, 2000, extrait de Le point

« […] Une nouvelle image m’accompagne dans la tension de ma poursuite : celle d’une femme qui se lance vers une plage. Le regard plonge avec elle, il accompagne son dos, ses bras lancés dans la vitesse ; il s’accommode du mouvement qui disperse les points et semble étaler des strates, les allonger, casser la plage en bandeaux verticaux, comme cette femme engagée dans l’image pour couper la trajectoire des vagues.  Avec elle, le regard désire les vagues qui se brisent à sa rencontre : on est porté, tendu vers l’instant qui va suivre, celui où les obliques vont s’engloutir, où la femme aura distancé ou rejoint le flot. Une expression me hante à propos de cette image : lancer un galop. Je ne cesse de la détailler, car précisément, la femme qui court vers la mer est avalée par le fond de l’image. Le suspens qui précède est découvert par sa lancée.

Pour s’engouffrer ainsi, il lui a fallu prendre de l’élan, attendre à la lisière, tendre les muscles qui ont initié cet ébranlement. Elle se précipite vers les eaux ferrugineuses, dans les aplats de rouille. Elle est un bougé noir, un point vacillant à peine départi de ses doutes. Dans l’image, cette femme atteint un lieu d’oubli. Derrière elle, là où je me trouve, sont restées les questions. Elle me laisse dans l’intervalle du pour et du contre, troublée par son insoumission, juste un écho de mon étroitesse. Elle se tenait là elle aussi, avant. Amour éperdu du hors champ : espace secret qui donne aux images leur densité. L’allure de cette femme la projette dans la beauté parce qu’un ravage est au bord de la rattraper. […]» Hélène Giannecchini et Yannick Haenel

Extrait de la préface du livre Being Beauteous, collectif, Filigranes éditions, 2015.

 

Nu au tapis damassé, Tanger, 2012Nicolas Comment, Nu au tapis damassé, Tanger, 2012

« […] Mais l’indolence charmeuse mène à la poésie. Les images sont des phrases. Et fi des modes. Pas complexé non plus par les « grands maîtres » il va ici ou là, et sans lourdeur y croise des êtres qui sont souvent des femmes, des corps de femme, des dos, quand les salons aussi sont comme des femmes, des dos, comme des amphores de femmes surprises à la toilette, quelque- fois courtisanes, Aziyadé, qui vont lancinement en s’étant dénudées, négligemment comme si le subterfuge d’une pause ou du cliché donnait la possibilité de se montrer dans l’absolu de ce pour quoi elles savent avoir été conçues, lascives, prises dans les eaux d’un bain ou le liquide d’une atmosphère indifférente à tout sauf au cristal que lui dédie ce photographe feutré à la démarche de chat persan. […]»  Gérard Manset

Extrait de la postface du livre T(ange)r  Filigranes éditions / Galerie 127, 2014

HJHNicolas Comment, É., Hôtel du Musée, Tours, 2002. Extrait de A***

« Les images, dit-on parfois, sont de la « poudre aux yeux », ce qui revient à souligner en elles l’illusion aux dépens de la substance. Or, cette dernière n’est jamais illusoire quand bien même il lui arrive de former des choses ou des figures qui le sont. Peut-être conviendrait-il de qualifier les images de « poudre d’yeux », et l’on saurait ainsi que tout regard est fait de cette poudre de sorte qu’elle en est à la fois le contenant, le contenu et la partie douteuse. L’illusion est donc composée de réalité tout comme la perception de la réalité est composée d’illusion, ce qui ménage en la conscience de chacune un peu d’insurrection contre soi-même. Mais que seraient les choses et les visages sans le rappel dont les parent à la fois leur nom et le plaisir de leur rencontre ? Il en va de la présence de l’Autre tout autant que de la nôtre dans le mouvement qui nous porte à préférer le jeu d’Éros à celui de la disparition. » Bernard Noël

Extrait de la préface du livre A*** (suivi de L’oiseleur)
, éditions Filigranes, 2004

Autoportrait, 2004 extrait de L_oiseleurNicolas Comment, Autoportrait, 2004 extrait de L’oiseleur

« L’une des plus belles images de ce corpus, et aussi des plus simples, est une étoile scintillante posée au cœur de la paume d’une main masculine (Autoportrait, 2004, p.86). Dès le début de son œuvre, Comment affirme son goût pour la fiction : documenter le monde tel qu’il est, certes, mais en interrogeant toujours sa part fictionnelle, onirique. » Dominique Baqué, préface du catalogue Nouveaux Territoires, collectif, éditions Prussian Blue, 2013

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Nicolas, Reverb, exposition, Polka Galerie (Paris), du 18 mars au 6 mai 2017

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  1. monfilmdusoir dit :

    Merci pour cet article. J’aime follement Nicolas Comment, son album « Rose Planète » est à placer tout en haut de la chanson française. J’ai eu la chance de recevoir de la part de Milo McMullen (femme, muse, amante…de NC) une série de carte tirée des photos de Nicolas Comment. Un réel plaisir.

    J’aime

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