
Photographe, éditeur (éditions Primitive), amoureux (de Florence Cats), Joseph Charroy aime les petits livres rares et furtifs, conçus comme des gestes poétiques radicaux.
Noirs & blancs poussés à l’extrême, grains des images, compositions d’atome de lumière montrant la délicatesse et le feu des corps ensemble, la vie brute, oisive, inentamée, les secrets partagés entre initiés de la nuit.
Son dernier opus a le museau d’un chat et des yeux de ténèbres.

Il s’intitule Piano, pattes de velours posées sur un instrument de musique romantique.
Joseph Charroy aime que l’édition soit un acte pur, dégagé des contraintes du chiffre, un air libre.
Quelques riffs d’images et puis s’en va.

Quelques halos, des présences à peine perceptibles dans les jardins et les appartements.
Un verre de bière, une femme aux belles lèvres tenant une cigarette.
Des yeux clairs, de la sensualité, des conversations ivres.

Danse des jonquilles, danse de la lune, danse des enfants.
Piano est un fanzine imaginé par un chat entendant ses drôles de maîtres feuler comme nul ne le fait plus chez la gent féline, très civilisée désormais.
Piano nous caresse des yeux, nous surprend au réveil, nous déshabille du regard.
Piano assembleur de nuées s’imagine bien des choses et les montre à tous, aux chanceux, aux copains de bars, aux vagabonds traînant dans des librairies rares (Disparate à Bordeaux, par exemple).

Piano s’endort sur le canapé, puis décide vers minuit de passer de l’autre côté du monde.
Vous ne le voyez plus, il est déjà là-bas, très loin dans la mer, naviguant en clandestin sur un esquif.
Il est sept heures, le revoilà, c’est le moment du café, les yeux chassieux.
Joseph Charroy, Piano, éditions Primitive, 2018 – 100 exemplaires
