« Mon Gui, je suis malade d’excitation… et je t’aime à la folie… tes vers intitulés « Un rêve » où je suis le petit garçon que tu fouettes si bien !… ces vers me font trembler de désir et d’amour ! je n’en peux plus… je t’écris vite avec la folle impatience d’être seule dans mon petit lit, lumière éteinte, et de t’aimer comme un fou en me faisant menotte toute la nuit… toute la nuit jusqu’à ce que je m’évanouisse… »
Mademoiselle la comtesse Louise de Coligny-Chätillon est une petite délurée, aimant la liberté, et au suprême le sexe.
On connaissait la beauté torride des Lettres à Lou de son amant Guillaume Apollinaire (222 lettres et cartes), nous pouvons découvrir aujourd’hui avec non moins d’émerveillement et d’excitation celles de sa complice dont la vivacité de ton exalte (45 pièces).
« Oh mon Gui, si tu étais là… Je voudrais t’embrasser, te prendre, te boire… t’embrasser, te caresser de ma langue partout ! partout !… Toutes les cochonssetés… et tous les vices les ai tous dans le sang en ce moment. »
A l’orée de cette correspondance retrouvée récemment par Pierre Caizergues dans les archives du poète (éditions Gallimard), une photo de Lou sur la plage d’Ostende, les pieds dans l’eau, jupe au-dessus des genoux, belle chevelure noire tombant sur un pull blanc chaud, montre une femme au corps très moderne, incarnation d’un désir intemporel.
Depuis le début de l’année 1915, les amants se sont plusieurs fois rencontrés, à Nice, Sospel, Menton, Grasse, Nîmes, Marseille, se sont beaucoup écrits, se sont terriblement désirés, avant que le poète au front, se fiançant à Madeleine Pagès, sa belle Oranaise, ne prenne quelque peu ses distances avec le grand feu de jouissance de son amante, l’inquiétant, la faisant souffrir.
Pierre Caizergues décrit Louise de Coligny-Châtillon comme une « femme légère, d’une grande vitalité », collectionnant les rencontres de fortune avec un appétit d’ogresse.
Alors qu’elle est dans un train assise face à un officier anglais, les secousses de la bête humaine provoquant chez elle des montées de désir, Lou écrit à son poète : « je vais finir par jouir… Il le verra sûrement. Je laisserai mon regard dans le sien en ce moment exquis… C’est peu de choses, puisqu’il ne me touche même pas… mais c’est infiniment voluptueux… ai une envie folle de me donner à cet inconnu ! »
La belle ardente aime les jeux de domination/soumission, les regards qui percent les habits, et surtout dire ses pensées secrètes à son amoureux.
Lettre du jeudi 6 mai 1915 : « … je ne peux pas remuer une patte comme tu sais sans qu’il me tombe une histoire extraordinaire sur le coin de la figure… »
Le désir fou n’exclut pas la tendresse, bien au contraire.
C’est la guerre, il y a des embusqués, un grand poète au front, la mort plane, emportant l’enchanteur le 9 novembre 1918, touché par la grippe espagnole à 38 ans.
Dans son sac à main, Lou serre son browning (pour ne pas être violée par « les boches »), pleure, s’effondre, se relève.
« Toujours cette vie à l’électricité ! »
Fanatiques de sextos, amateurs d’amour vrai, de poésie et d’histoire de la littérature, ce livre est pour vous.
« Je me trotte dîner et t’embrasse comme un ptit fou, à t’étouffer, te manger tout cru. » (7 juin 1915, dans le métro)
Le lendemain, Lou signe ainsi sa lettre : « Ton ptit sifflet à 2 trous »
N’est-ce pas merveilleux ?
Louise de Coligny-Châtillon dite Lou, Lettres à Guillaume Apollinaire, édition établie, présentée et annotée par Pierre Caizergues, Gallimard, 2018, 128 pages
Pour célébrer le poète, les éditions Gallimard publient parallèlement une anthologie de poèmes conçue et préfacée par sa biographe Laurence Campa (lire Guillaume Apollinaire, coll. NRF Biographies, 832 pages), et illustrée d’œuvres de Matisse, Marie Laurencin, Picasso, De Chririco, Derain, Henri Rousseau, André Lhote, Francis Picabia.
Extrait du poème Crépuscule, tiré du recueil Alcools (plus de 1 600 000 exemplaires vendus à ce jour dans la collection Poésie/Gallimard) dédié à Marie Laurencin : « Frôlée par les ombres des morts / Sur l’herbe où le jour s’exténue / L’arlequine s’est mise nue / Et dans l’étang mire son corps »
Le festival continue avec la publication dans la collection Livres d’art de Gallimard (coédité par la BnF) du fac-similé de l’exemplaire d’Alcools aquarellé par le peintre Louis Marcoussis et comprenant 40 eaux-fortes inédites gravées par l’artiste ainsi qu’une étude consacrée à l’ouvrage par le directeur de la réserve des livres rares de la BnF.
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