
Toute l’œuvre de Fabien Dettori est un hymne au corps féminin et au simple, d’une main touchant une cheville, d’un bouquet de fleurs séchées, de trois pommes posant sur la table comme un trio de nymphes.
Son art est de profonde communication, n’envisageant que des interactions fondamentales, entre un corps et un tissu, entre une photographie peinte et son spectateur, entre le photographe et son modèle.
La muse est là, dans la petite chambre blanche sous les combles, détendue, en peignoir.
Il y a un vélux, une lumière zénithale, la danse des nuages sera parfaite, lente, très lente.

Le photographe prépare son matériel.
Ce n’est de toute évidence pas une séance de pose, mais une cérémonie secrète.
On pourrait s’endormir là, tous les trois, glisser dans la courbe du temps, accepter le rapt d’un voyage dans l’outremonde de l’art et de la coïncidence des âmes.
On pourrait, on le peut, on y est déjà.

La belle est nue, mince et pourtant enceinte de toutes les femmes, regardant son regardeur, écoutant ses chuchotements et ses exclamations, attentive au moindre changement de ton, au déplacement de l’air dans la pièce.
Féérie de détails.
Grâce des grains de beauté constellant le corps, les hanches, la poitrine, le cou.
Il ne s’agit pas d’exhibition ou de théâtre, mais d’une façon d’être là, en présence, dans l’intensité de l’émotion.

Pendant quelques secondes, le visage a semblé bouleversé, dévoilé par un souffle d’amour ou de détresse.
Un polaroïd est apparu, témoignant de la métamorphose.
Ce n’est pas une capture, mais un don de vérité entre deux êtres humains échangeant leur vulnérabilité.
La gratitude est mutuelle, dans le partage du lâcher-prise.

Voici la beauté de l’éphémère, un acte de création pour rien, pour tout.
A l’artiste-artisan maintenant de lui offrir la durée, la chance d’un temps long, par le travail de l’alchimie, de l’acrylique, des feuilles d’or, de l’eau, de l’encre de Chine, du vernis.
Fabien Dettori invente ainsi dans le chemin des dorures, sous le regard ému de son inspiratrice, une enluminure pour le temps présent.
Le polaroïd déchiré a été recollé, laissant poindre entre ses deux parties ajointées une faille, une fêlure, une brisure.

C’est un drame ontologique, la barque du corps féminin s’arrachant des ténèbres sans en oublier la force d’angoisse, le doigt terrible de Dieu invitant par le sublime du gouffre révélé à l’humilité et à la prière.
L’incarnation reste de l’ordre d’un miracle quand tout fuit, tout se corrompt, tout se disperse dans l’effroi et la mélancolie.
Sur la commode près de nous, les petits rectangles de vision s’accumulent, icônes modestes et de considérable puissance.
Ce sont des condensés de temps, des acmés de délicatesse menant au sacré.
Hommage permanent à l’histoire de la peinture (Ingres, Degas, Rodin, Courbet, Moreau, Bonnard, Cézanne, Klimt, Schiele, Morandi), considérée comme force d’advenir, la photographie de Fabien Dettori est une moire, une mémoire, un manteau de gloire posé sur les épaules nues des visiteuses de son atelier, faisant craquer les marches de l’escalier comme on allume des feux de joie.

Jusqu’au 23 décembre 2019, visites privées d’atelier sur rdv
Très beau…. Bon dimanche, de Perama !
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