©Marie Sordat
Nada – rien du tout – est un livre de haute solitude de Marie Sordat.
Il faut parfois savoir détruire, rompre des liens, des attaches toxiques, d’anciennes formes devenues stériles, pour accéder à des noyaux de vérité en soi.
Détruire, dit-elle, écrivait Marguerite Duras.
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« Détruire, parfois, est l’achèvement de l’édifice », écrit le sartrien – reprendre dans L’Etre et le néant les passages sur la création comme dialectique de la destruction/construction – de sagesse hindoue Gilles Lechantre en exergue d’un ouvrage publié aux Editions Le Mulet.
Nada est un livre de voyages intérieurs, tournés cependant vers le grand dehors.
Le cadre spatio-temporel n’est pas défini – il s’agit peut-être de réexaminer les archives, de les monter autrement, de leur donner la parole différemment -, mais l’on passe à l’évidence ici, dans l’unité du noir & blanc, d’une sphère géographique à l’autre.
©Marie Sordat
Des rues désertes, des bâtiments dressés comme des Commandeurs, des nuits végétales.
Des bords de mer, des bords d’usine, des bords de vie.
Comme chez Hugo, le noir est le refuge des monstres et des mélancolies.
©Marie Sordat
Le sommeil de la raison engendre des images fantastiques.
Comme chez Bacon, l’étude de l’homme est celle d’une bête sacrifiée se cognant contre les parois de verre de la société.
On se grime, on se vêt de paillettes, on ajuste ses bijoux, on s’apprête à entrer en scène : il faut tenir son rang, ne pas sombrer tout de suite, danser avec le Minotaure.
©Marie Sordat
Et puisque personne ne nous caresse, par sa fraîcheur, la vitre de la fenêtre où vient se frotter le sein soulagera le désir.
Il y a des pages noires, c’est la mine, c’est un collapsus, c’est un puits de néant avant que le spectacle ne s’invente.
Les amants se tournent le dos. Incommunicabilité ? Cieux incompossibles ?
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Nous sommes des planètes en errance, nous franchissons des rivières, nous essayons de déchiffrer le sens des graffitis de nos vies, nous cherchons des partenaires, l’existence humaine est au mieux un carnaval vénitien.
Il fait très froid en ces pays où voyage quelquefois Marie Sordat, parce que l’art brûle, et qu’il faut peut-être trouver des chemins de tempérance, vers l’autre, vers soi.
Décentrage.
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Voici l’ailleurs, d’autres poussières, d’autres neiges, d’autres cars, d’autres visages des enfants du monde.
On fait l’amour avec un arbre-racine, on monte à cru un cheval sauvage, on tient contre la poitrine un lapin nain comme on bercerait de toute sa tendresse le dernier représentant de l’humanité.
Nada ? Un petit rien, c’est déjà tout.
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Saint Jean de la Croix dans La Montée au Carmel (Livre I, chapitre XIII) le dit mieux encore : « Pour être tout au Tout, il faut être rien en rien. »
Todo, Nada, et basta !
Marie Sordat, Nada, texte David Martens, design Mathieu Van Assche & Simon Vansteenwinckel (Dirk Studio), Editions Le Mulet, 2021 – 500 exemplaires
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