©2020 Saul Leiter Foundation
« Je ne me rappelle pas avoir planifié de photographier quelque chose en particulier. »
Maître des superpositions colorées, des portes entrebaîllées, des jeux de miroir, de vitres et de pluie, Saul Leiter est aussi un géant du noir et blanc, si sensuel lorsqu’il photographie ses modèles et petites amies dans son studio de travail new-yorkais.
Dans notre monde si laid, si bête, si vil, Saul Leiter (1923-2013) sauve.
©2020 Saul Leiter Foundation
Ayant vécu plus de soixante ans dans le Lower East Side, l’artiste saisit l’énergie de la rue d’une ville au climat rude, électrique, moderne.
Des passants, des graffitis, des trottoirs enneigés.
Des fenêtres sur cour, des escaliers, des pavés.
©2020 Saul Leiter Foundation
Saul Leiter photographie les anonymes l’air de rien, avec pudeur, sens de la juste distance.
Il y a parfois beaucoup d’ombres, et des grands aplats de noir cachant la vision, comme si l’apparition d’une figure était toujours de l’ordre d’un miracle, d’une grâce ultime.
Ponctués de citations, les volumes Forever Saul Leiter et Saul Leiter Retrospective, que publient les éditions Textuel et Kehrer Verlag, offrent un panorama très complet de l’œuvre du coloriste urbain – aussi quelques peintures, des diapositives inédites.
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Serait-il un peintre frustré ? « Quand je faisais de la photographie, je ne pensais pas à la peinture. La photographie, c’est trouver des choses. La peinture, c’est différent. C’est faire quelque chose. »
Ut pictura poesis, disaient les anciens.
Lorsqu’il travaille pour la mode, ses personnages sont parfois presque des mannequins de cire, des surfaces tachées de vert, de violet, des lèvres rouge vif attirant à elles tout l’espace, le rouge étant d’ailleurs probablement la couleur dominante de Leiter.
©2020 Saul Leiter Foundation
La rue est un ballet, le photographe saisit des mouvements, des gestes furtifs, des déplacements, et des objets à hauteur valeur symbolique : un parapluie, un feu de signalisation, une enseigne de barber shop, un chapeau juif, un soulier à talon haut.
La couleur nous cerne, Saul Leiter cerne la couleur.
Le photographe n’est pas un intellectuel – peu de discours savants chez lui -, mais un poète, celui qui fait.
L’artiste va vite, saisit des scènes l’air de rien, des baisers, des mains entrelacées, des corps en attente.
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La beauté féminine aimante son regard, toujours élégant, admiratif, notamment quand il photographie sa compagne Soames et sa sœur Deborah, sa première muse, la Fondation Saul Leiter ne cessant de découvrir dans les archives de l’artiste de nouveaux portraits.
Un chapitre consacré à ses autoportraits le montre dans différentes situations, ce sont des moments d’arrêt dans une ville trépidante.
Mais Leiter fut aussi un expérimentateur, aimant tirer ses photographies au format carte de visite, avant de les déchirer pour en laisser paraître toute la fragilité et la force de présence rescapée.
©2020 Saul Leiter Foundation
Fut-il donc un iconoclaste ? Non pas.
« J’ai beaucoup d’estime pour certaines conceptions de la beauté, confiait-il, même si d’aucuns trouvent que c’est une notion démodée. Je ne crois pas que le malheur soit plus profond que le bonheur. »
On le croit.
Saul Leiter, Forever Saul Leiter, texte de Margit Ern et Michael Parillo, design graphique Ouchi Osamu, design de la couverture Agnès Dahan Studio, postface d’Akiko Otake, éditions Textuel, 2021, 312 pages
©2020 Saul Leiter Foundation
Saul Leiter Retrospective, edited by Brigitte Woischnik, Ingo Taubhorn, texts by Vince Aletti, Margit Erb, Adam Harrison Levy, Rolf Nobel, Ulrich Rüter, Carrie Springer, Ingo Taubhorn, Brigitte Woischnik, Kehrer Verlag, 2022, 296 pages