Tango, reptile de lupanar,  par Jorge Luis Borges, écrivain

Dans le café où je travaille quotidiennement, je les vois certains soirs arriver, séparément ou en couples. Manteaux longs, sourire léger, assurance de plaisirs proches, comme avant une nuit d’amour avec un partenaire que l’on connaît bien. Des femmes vont aux toilettes, se changent, reviennent, très élégantes, en hauts talons et robe fluide. Une musique…

Viens, ce n’est pas pour toi, par Stéphane Mosès, écrivain

« La marque historique des images n’indique pas seulement qu’elles appartiennent à une époque déterminée, elle indique surtout qu’elles ne parviennent à la lisibilité qu’à une époque déterminée. » (Walter Benjamin, Le Livre des Passages) Agrégé d’allemand, installé à Jérusalem en 1969 après une enfance passée à Berlin et au Maroc – persécutions nazies, puis vichystes -,…

André Breton, présent considérable

« J’ai vingt-deux ans. Je crois au génie de Rimbaud, de Lautréamont, de Jarry ; j’ai infiniment aimé Guillaume Apollinaire, j’ai une tendresse profonde pour Reverdy. Mes peintres préférés sont Ingres, Derain ; je suis très sensible à l’art de Chirico. Je ne suis pas si naïf que j’en ai l’air. » La publication intégrale depuis 2016 par Gallimard…

L’Hexaméron d’Italo Calvino, six leçons pour traverser le siècle

Les Anciens, au moment d’inventer leur poème, invoquaient la Muse, cette puissance ordonnatrice, cette gardienne de la Mémoire, parce qu’arracher un fragment au tout racontable nécessitait quelque précaution, quelque protection, quelque force supérieure. Quand tout est devenu arbitraire, il reste aux Modernes la teinte de l’ironie, parfois sublime, comme chez Robert Musil, dont voici l’incipit…

Un fouet cosaque sur ma commode, par Honoré de Balzac, dernière correspondance

« Il y a dans les événements humains une force supérieure qui les dénoue et qui rend les discussions publiques, l’intervention de l’opinion, complètement inutile. L’homme peut nouer, il ne dénoue jamais. Ceci atteint tous les drames politiques. Aussi, selon moi, l’homme politique est-il peu de chose devant le poète et l’écrivain. Le livre est plus…

Penser pour une femme, quelle folie ! par Lydie Dattas, ou le feu de la Desdichada

« Hier, ma beauté était un lilas aux yeux perçants à quoi aucun garçon ne résistait, que toutes les filles jalousaient. Soûlées par leurs propres yeux noirs, les saintes se laissaient caresser dans le parc en complotant la machiavélique robe blanche. » Par sa fougue rimbaldienne et son métaphorisme faisant songer quelquefois aux Illuminations, Carnet d’une allumeuse,…

Frapper contre la coquille, par la philosophe Simone Weil, aimée de Dieu

Dans le flux des livres qui arrivent chaque jour, certains titres, certains noms vous arrêtent immédiatement, comme une possibilité d’espoir, d’éveil, d’apaisement. Ainsi celui de la philosophe Simone Weil, dont la vie fut si absolue qu’elle la perdît en août 1943, à Londres, à trente-quatre ans, après avoir rejoint la France libre du Général de…

L’amour parfait, ou Le sac du semeur, portrait d’une revue numérique

C’est en tant que veilleur et passeur attentif à la parole parlante qu’Arnaud Le Vac, a pensé Le sac du semeur, la revue qu’il anime, où la poésie et l’art occupent une place structurante. La combativité, la voyance et le désir d’infini d’un Victor Hugo guident son ambition poétique, de l’ordre d’un dégagement, d’une expérience…