La beauté est le commencement de la terreur.
Face au beau travail de la photographe Aurelia Frey tel que présenté dans le livre Apnée (nonpareilles, 2015) surgit cette phrase de Rilke notée il y a bien longtemps dans un carnet.
La voilà qui se déploie soudain, s’enroule comme un lierre à l’intérieur des pages, gagne peu à peu notre dos, notre nuque, nos yeux.
Mais cette terreur n’est pas une épouvante, c’est une chance, une possibilité de dessaisissement, un basculement dans l’inconnu.
On peut regarder la série photographique d’Aurelia Frey comme ces personnes qui, faisant une expérience de mort imminente (Near Death Experience), voient défiler en quelques secondes les images de leur vie.
Tout commence par un éblouissement, qui est une chute ascensionnelle dans la lumière.
S’ouvre alors une forêt obscure où l’on ne s’étonnerait pas de découvrir le corbeau d’Edgar Poe guidant telle la Béatrice de Dante un promeneur aventureux, élu, peut-être nous.
Souffle retenu, ou coupé, nous pénétrons dans un tableau vert sombre où chaque objet se signale par une sorte de surprésence de tonalité fantastique.
Il y a du préraphaélisme, mais à peine, des fantômes, mais à peine, des formes qui sont des stèles sur notre chemin. Une chaise, de la poussière, un carrelage, un soulier de plâtre, des nuées.
Nous butons, nous tombons. Là-bas, très loin, la belle dame blonde murmure : A mon seul désir.
La lune s’est levée.
Petite anthologie des apparitions, Apnée dispose avec grâce sur ses pages quelquefois bleu gris un ensemble de signes ainsi que des mystères indéchiffrables.
Ce sont des traces, des flux, des poudroiements, des passages. Des strates de temps.
Aurélia est là, vêtue de nuit.
L’aurore viendra peut-être.
Aurélia Frey, Apnée, texte Emmelene Landon, mise en page Anne-Lise Broyer, éditions nonpareilles, 2015, 64p
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