Louis Soutter est né près de Lausanne (Suisse) en 1871.
A seize ans, le voici observant à la dérobée le corps des jeunes filles à qui sa mère donne des leçons de piano.
A l’école, on remarque qu’il reste souvent à l’écart de ses camarades.Eugène
Très bon violoniste, il sera bientôt, au conservatoire de Bruxelles, le « chouchou d’Eugène Ysaÿe ».
En 1898, il est aux Etats-Unis, marié à la belle Madge.
Directeur du département d’art et de design au Colorado College, à Colorado Springs, il dessine beaucoup.
1900 : le succès commence, mais Louis Soutter se sent mal. Les époux ne tardent pas à divorcer, il retourne en Europe.
1903, c’est la débâcle d’un homme revenu au pays de Morges.
Quand il peint sa mère et sa sœur, il a probablement en tête les œuvres de James Ensor et Gustav Klimt.
Son cousin s’appelle Le Corbusier.
Passage d’une année à la clinique de Sonnenfels à Spiez (1908).
Il intègre l’orchestre du Théâtre de Genève, comme premier violon d’abord. Neuf ans de loyaux services, mais l’émotion est trop forte : il a des absences. Des extases ?
Louis entend cette phrase, tirée de L’Histoire du soldat, qui l’arrête : « On n’a pas le droit de tout avoir : c’est défendu. Un bonheur est tout le bonheur ; deux, c’est comme s’ils n’existaient plus. »
Il rencontre Zora, jeune serbe « à l’odeur de gentiane », 1922. Lui apprend le violon, ils jouent.
Deuxième partie du livre (Louis Soutter, probablement, de Michel Layaz) : de 1923 à sa mort, le pensionnaire surnommé L’Anglais produit des milliers de dessins dans l’hospice pour vieillards de Ballaigues (Jura Suisse).
Devant la cruelle Mademoiselle Tobler, la directrice au « sexe sec », Louis se cuirasse.
Des femmes nues par centaines. Des scènes terribles. Des fleurs. Un pornographe à l’asile !
Un titre : Les pièges à douleurs. Un titre : Crépuscule du gangster.
C’est le règne des Vierges de Ballaigues.
Louis dessine dans les marges du livre de Charles de Coster, La légende d’Ugenspieler, qu’achète l’écrivain de Manosque Jean Giono.
Jean Dubuffet le célèbre bientôt à son tour.
Voici Louis Soutter, entre entraves et liberté d’errance, tel un personnage de Robert Walser.
L’épilogue est une analepse (1923) : « Qu’importe de savoir si Louis, pour ce premier dessin, avait tracé un arbre, des fruits, une voûte d’église, des personnages, le Christ en croix, une ville imaginaire ou une simple décoration, il venait non seulement d’initier ce qui lui permettrait de ne pas sombrer, de justifier sa perpétuelle inadaptation, de conjurer l’inexistence, les hontes et les péchés mais surtout il venait de commencer l’exploration d’un monde qui le libérerait, lui d’abord, d’autres aussi, tous ceux qui prendraient la peine de voir son œuvre, c’est-à-dire d’accepter que soient détruites les certitudes rassurantes et que soient parcourus les chemins de l’inquiétude. »
Cet homme est un mystère, que ne cherche pas à résoudre Michel Layaz, écrivain psychopompe. Grâce lui soit rendue.
Jean-Jacques Rousseau : « Je n’ai jamais cru que la liberté de l’homme consistât à faire ce qu’il veut, mais bien à ne jamais faire ce qu’il ne veut pas. »
Michel Layaz, Louis Soutter, probablement, éditions Zoé, 2016, 239p