Impromptus (éditions Poursuite, 2017), de la photographe Géraldine Lay, est un ensemble d’images doucement discrépantes.
Le motif général est musical, entre la fantaisie et la fugue, et très cinématographique en ce que le hors-champ semble déterminant pour comprendre l’énigme des compositions visuelles.
Avec une très grande délicatesse, un goût pour la cocasserie, mais sans systématisme, Géraldine Lay montre la mascarade des jours, le théâtre des vies, la géométrie des solitudes.
Si la vie est un songe, elle est aussi un conte dans lequel apparaît un ventilateur aux pales bleues.
Travaillant en coloriste, la photographe fait de ses images des enluminures teintées de désuétude.
Dans ses mises en scènes – entre Eric Rohmer et David Lynch (spectre large) -, l’enfance est un territoire sans cesse recommencé, étrange, perdu, retrouvé.
Sur la couverture jaune cartonnée, l’image d’un enfant acéphale tenant à la main un biscuit à-demi croqué, commençant à peine à marcher, jambes potelées nues, pieds enfoncés dans une matière meuble (le sable de l’estran ?), est le symbole aristotélicien de la volonté.
Il y a ici, comme en chaque photographie, un instant figé, un fragile équilibre, un silence intérieur, une attente – on peut penser à l’esthétique suspensive d’un Beat Streuli.
On entre sous un porche, qui est une arche de cirque ou de fête foraine, on se prépare à toutes les allégresses, alors que se lève comme un sentiment de deuil, une absence de fond malgré l’humour de politesse.
Emanant d’un jeu serré de connivences formelles, et d’une sorte de désajointement temporel, l’onirisme des scènes transforme chaque personne en personnage tissé d’inconscient.
Les montants d’un lit défait, posés contre un mur de pierres noires, sont un espoir de résurrection, mais aussi la fin d’un monde.
Photogrammes d’un film inconnu, les images de Géraldine Lay transforment le spectacle agencé selon les lignes de son désir en pure interrogation de contemplation.
L’image peut n’être qu’illusion, voile, maya. Cependant, elle est, nécessaire dans le feuilleté des ordres de réalité, comme un passage.
Un liminaire, un limes ouvrant au secret des premiers regards de l’enfant s’émancipant, et à l’épaisseur de leur inconnaissable.
Géraldine Lay, Impromptus, éditions Poursuite, 2017
Galerie Le Réverbère (Lyon), qui représente Géraldine Lay