
Ces deux-là forment un tandem exceptionnel, c’est une évidence.
Ils travaillent ensemble, partagent le même amour de l’art, et, pour célébrer la vie comme passion commune, construisent des livres à quatre mains.
Ils ont bâti une trilogie qui est un hymne merveilleux, au désir, à la résistance politique, et à l’énergie populaire libre loin de l’autocensure et des contrôles de police.

Leur premier acte s’intitule Foreign Affair (2011), leur fabuleuse love affair, entre Paris et le Värmland en Suède, livre édité au Japon, parce que la vie se conçoit dans le présent absolu et le déplacement, et la fête des corps.
Créer dans l’ivresse du hic et nunc.
Tout ici est vrai, cru, mêlant en un même mouvement le rire, la traversée des nuits et le sexe, preuve des complicités de fond.

S’embrasser, se dénuder, se regarder, se confirmer, se porter, aimer à la folie la liberté de l’autre, tout lui permettre, l’accueillir en héros, en héroïne.
Voici à leur manière brute, un peu punk, une Sentimental Journey (Araki, 1971) se terminant bien, et même mieux que bien, puisque des solitudes assemblées s’est inventée jusqu’à aujourd’hui une force de joie, d’exigences, de radicalité dans la beauté humaine montrée sans fard.

Leur deuxième opus, 7 days Athens November 2011 (2012), est un livre de feu, d’insurrection, de tensions.
La ville du Parthénon est en colère, et les images voient rouge.
Les maîtres de la finance ont décidé de faire plier l’un des peuples les plus civilisés du monde, de l’affamer, jusqu’à ce qu’il se rende et accepte ses exigences.

Les forces de l’ordre font leur sale boulot, quand elles oublient que ce sont leurs propres frères et sœurs qu’elles s’apprêtent à frapper.
Dans la foule, il y a deux photographes, deux âmes liées par-delà la fureur des temps.
La cité s’enflamme, refusant l’humiliation.

Des mères de famille, des mémés, des déracinés, des orants, des errants, des jeunes types et des syndicalistes.
L’amour existe, comme la dignité des bafoués.

Maintenant, c’est une autre danse, rendez-vous au Karaoke Sunne, en plein cœur du Värmland.
Là-bas, il y a tout – la nature y est souveraine -, mais il n’y a rien.
C’est un trou, pourtant, le samedi soir, dans une pizzéria se transformant en bar à karaoké, c’est soudain la folie.
Tenant lieu de forum, de défouloir, de spot de rencontres, de drague et de bagarres, ce restaurant banal est pour quelques heures le centre du monde, tout y devenant possible.

Avec Karaoke Sunne, Margot Wallard et JH Engström ont trouvé leur Cafe Lehmitz, que photographia à Hambourg en 1969 Anders Petersen pour un livre désormais culte.
Un huis-clos comme une planète totale, avec ses réfugiés, ses gros durs aux bras tatoués, ses belles en mini-jupe, ses verres de bière, ses frottements, sa mélancolie de fin de soirée.
Les hiérarchies tombent, on est ici dans le principe d’égalité, la première des démocraties: des corps, des voix, des chants, des embrasements.

Et si tu ne sais pas tenir l’alcool, tu apprendras.
Voici trois livres méconnus (le premier est quasi introuvable), trois actes de création faits dans l’urgence et le goût de vivre, célébrant ce que peut l’amour quand il n’est pas qu’une petite affaire narcissique ou psychologique.
JH Engström & Margot Wallard, Foreign Affair, Super Labo (Japan), 2011 – 500 exemplaires
JH Engström & Margot Wallard, 7 days Athens November 2011, Super Labo, 2012 – 500 exemplaires
JH Engström & Margot Wallard, Karaoke Sunne, Super Labo, 2014 – 1000 exemplaires

