
©Bernard Plossu
Pourquoi faut-il l’art ? Pourquoi faut-il Bernard Plossu ?
Parce qu’il nous faut le réveil, la note fondamentale qui nous rappellera d’où nous venons, cette grâce d’être outrepassant tout calcul, emprise du chiffre bas dont nous mourons.
Dans la géométrisation des rapports et la rencontre des ombres et des lumières saisies à leur point d’incandescence, il y a l’amour, il y a la folie, il y a le divin.

©Bernard Plossu
Les photographies de Bernard Plossu sont des témoignages d’une passion calme et obstinée envers le vivant.
Elles ne sont pas sentimentales, mais vives comme l’éclair vert de la vérité.
Sénèque l’a écrit : « Au moment de la mort, tu es prié de rendre l’âme meilleure que tu ne l’as reçue. »
Cet effort de justesse qui est justice se révèle dans la beauté.

©Bernard Plossu
Bernard Plossu serait-il platonicien ?
Oui, mais aussi pythagoricien, et indien.
Lorsqu’il photographie de 1977 à 1983 l’église Ranchos de Taos, au Nouveau-Mexique, l’auteur du Voyage mexicain (Contrejour, 1979) rencontre un mystère, transmis aujourd’hui dans un portfolio conçu par son ami Guillaume Geneste comme un livre d’artiste publié à 90 exemplaires dans la collection « Tiré à part », qui comprend des titres rares confiés à Denis Roche, Bernard Guillot, Marc Trivier, Nair Benedicto, et… Bernard Plossu (Nord en Scope, 2007).
« L’église, écrit savamment Stuart Alexander, a été construite entre 1813 et 1815 à l’aide de matériaux traditionnels de la région. L’adobe, ou pisé, est constitué d’argile, de sable et de paille mélangés à de l’eau afin d’obtenir une sorte de boue. On peut en former des briques que l’on fait sécher au soleil. On en construit d’épais murs que l’on cimente à l’aide de cette même cette boue et que l’on enduit d’une couche finale d’adobe pour obtenir une surface lisse. Les murs sont par nature irréguliers, et au fur et à mesure que se produit l’érosion ils s’épaississent légèrement à la base. Chaque année en juin, juste avant la saison des grosses pluies, la communauté se réunit pour l’enjarre, une pratique rituelle au cours de laquelle les habitants refont l’enduit tous ensemble. Les murs extérieurs de l’église, érodés par la pluie et le vent au cours de l’année précédente, sont recouverts d’une nouvelle couche d’adobe qui à son tour altère subtilement leur forme et leur surface. »

©Bernard Plossu
Le ciel, la pierre et le sable conversent avec la faux des ombres.
La chaux des contreforts est voluptueuse comme un ventre de femme.
Quelque chose se passe : si Dieu n’est pas là, il n’est nulle part.
Un regard rapide verrait des abstractions, mais quelle erreur quand tant tout vibre de personnalités diverses, d’entités minérales incompossibles parvenant malgré tout à l’accord des formes.

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Il y a l’indiscipline malicieuse des petites roches s’échappant du foyer familial.
Il y a la croix géniale unissant les nuées et la Terre, et nous rappelant que nous sommes sauvés.
Il y a les éléments de construction attendant dans la poussière qu’on les emploie, pour le moment abandonnés comme les derniers des Justes dans le désert.
Chez Bernard Plossu, le gris n’est pas une mélancolie, mais la couleur éclatante de l’infinie nuance des pensées.

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Les enduits tombent, l’homme chute, et pourtant tout est gloire.
On pourrait être au Mali, ou dans le Chiapas, ou dans quelque territoire d’étrangeté, où les hommes sont ces Sisyphe faisant sempiternellement les mêmes gestes dans la roue du temps.
Echafaudages, lignes électriques, bâches.
Tas de briques, pans de murs, angles aigus.

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Et la neige recouvre bientôt le superbe asile tant de fois photographié par les plus grands, Paul Strand, Ansel Adams, Georgia O’Keefe, mais jamais ainsi.
Un bonheur arrivant rarement seul, Guillaume Geneste publie un autre portfolio du regardeur infatigable, consacré cette fois – ce sera une découverte pour beaucoup – de ses dessins, essentiellement effectués au pastel et crayons gras.
L’esprit d’enfance règne ici, una maniera de pratique pulsionnelle de la main accompagnant la vision, la précédant peut-être, ou inventant les coordonnées colorées d’une utopie.

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Des portes, des ouvertures, des chemins monochromes.
La présence du sacré, et des fils électriques.
Une zébrure verte touche les montagnes de Santa Fé, sorte de double fantasmatique d’une photographie célèbre du maître prise en 1983 un jour d’orage.
En ses dessins indiens se rapprochant quelquefois de ceux de Paul Klee, Bernard Plossu ne cesse d’exprimer la dimension magnétique, quasi magique, de l’existence.

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Il faut pour cela de l’ordre, de la discipline artistique, et cette faculté à trouver les points de basculement dans ce qui semble le plus quotidien ou le plus merveilleusement simple.

Bernard Plossu, Ranchos de Taos, texte Stuart Alexander, collection Tiré à part, Editions La Chambre Noire (Guillaume Geneste), 2023 – 90 exemplaires numérotés et signés par l’auteur

Bernard Plosu, Mano a mano, texte de Guillaume Cassegrain, collection Tiré à part, Editions La Chambre Noire (Guillaume Geneste), 2023 – 90 exemplaires numérotés et signés par l’auteur

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©Bernard Plossu
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Exposition Bernard Plossu, Ranchos de Taos/Vivre au Nouveau Mexique, du samedi 18 février au 25 mars 2023 à la galerie Arrêt sur l’image (Bordeaux)

https://www.arretsurlimage.com/expositions-en-cours/

Bernard Plossu expose jusqu’au 20 mars 2023 sa série Roma au Studio Baxton (Bruxelles)