Le hasard après le hasard, par Corinne Mercadier, photographe (1)

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CM Solo La jetée 1
« La Jetée », série Solo, 2012 © Corinne Mercadier

Si les photographies de Corinne Mercadier sont en quête permanente de la saisie de moments harmoniquement parfaits, c’est que se tenir debout sur le pont flottant du ciel est l’affaire d’un instant rare, d’une fraction de seconde inouïe, d’un petit miracle de composition éphémère, avant que tout ne se désordonne à nouveau.

Pour faire apparaître l’espace et le sculpter, la photographe utilise des objets lancés, révélant par leur danse imprévue la puissance de structures géométriques unissant en un même suspens l’air, la chose et l’être.

Au hasard donc, et à l’intelligence du boitier de vision, d’inventer et capturer des points de présence formant lisière entre le terrestre et le céleste.

CM UFPP 42
Série Une fois et pas plus # 42, 2002 © Corinne Mercadier
CM UFPP 43
Série Une fois et pas plus # 43, 2002 © Corinne Mercadier

En images, Corinne Mercadier bâtit des scènes, qui sont des théâtres d’apparition, des possibilités d’éveil, de réveil et de stupeur.

Ce sont des planètes intérieures, des glissements de silences, des songes habités par des spectres de chair.

Sur des sables inconnus, des funambules jouent avec des balles qu’ils ne toucheront jamais.

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« Faena 2 », série Solo, 2011 © Corinne Mercadier

Il y a dans l’œuvre photographique de la grande dame rieuse tout un monde de formes simples, qui sont des configurations mentales archétypiques, des cercles, des cubes, des octaèdres, comme autant de pyramides énergétiques construisant des passages d’allègement.

Ici, tout danse et se fige, tout meurt et ressuscite, sans cesse.

Tout est franges, bords d’abymes, voisinages en tensions résolues.

Apparaissent un matin, sous les paupières encore closes, comme chez Botticelli, des rais de lumière qui n’ont pas de source, du pur manifesté par-delà la joie des artifices du jour.

Glasstype 1
Glasstype 1, 1997 © Corinne Mercadier

Un dais d’or se détache d’une fresque de Giotto à Padoue, c’est une arche d’accueil pour l’inconnaissable.

L’histoire de l’art – Piero della Francesca, les primitifs de la photographie, La Jetée de Chris Marker, les expériences de Francesca Woodman – est pour l’artiste de nécessité un trésor d’annonciations, voilées ou non.

Un ange s’approche, porteur d’une nouvelle terrifiante, éblouissante, mais intraduisible en mots.

CM Glasstype 18
Glasstype 18, 1997 © Corinne Mercadier

Tout est alors à reprendre de ce qui avait été compris jusque-là. Il faut se mettre au travail, ouvrir les archives, déposer sur le mur de l’atelier le fruit d’une vie de recherches, et avancer à neuf dans le labyrinthe.

Monte l’espérance folle d’une vita nova, d’un départ absolu, d’une chute ascensionnelle, et le besoin d’imaginer une faena inédite.

Polaroids, glasstypes, images d’images, sont des traversées du temps, de la mort ridicule et respectable, des façons d’appeler le passé, et l’avenir peut-être, au secours du présent.

Longue Distance CM Devant l'escalier de verre
« Devant l’escalier de verre », série Longue distance, 2008 © Corinne Mercadier

Les œuvres de Corinne Mercadier s’imposent comme des drames sans anecdote, joués avec beaucoup de légèreté.

Des personnages se disposent dans un théâtre de plein air, très chics comme chez Marguerite Duras, hiératiques et solitaires. Ils se frôlent sans se regarder, titubent un peu.

L’artiste les observe attentivement, leur jette quelques étoffes que le vent s’amuse à déployer, appuie sur le déclencheur.

Longue Distance
série Longue distance, 2008 © Corinne Mercadier

A la photographie maintenant de témoigner du secret de leurs liens.

Comment appellerait-on le hasard après le hasard ?

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série Black Screen Drawing # 30, 2010 © Corinne Mercadier

(cette réflexion constitue l’introduction d’un dossier consacré à l’œuvre de Corinne Mercadier. Il sera suivi sur trois jours par une transmission de textes très personnels que l’artiste a bien voulu me confier. Qu’elle en soit ici une nouvelle fois chaleureusement remerciée)

Corinne Mercadier est représentée à Paris par la galerie Les Filles du Calvaire

Site de Corinne Mercadier

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Galerie Les Filles du Calvaire

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Se procurer La suite d’Arles

Se procurer Corinne Mercadier, de Magali Jauffret et Armelle Canitrot

Se procurer Où commence le ciel ?

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