La mort en été, par le photographe OIivier Kervern

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© Olivier Kervern

Avec beaucoup de franchise, le photographe Olivier Kervern a accepté de répondre à mes questions, la lecture récente de son deuxième livre, La mort en été, m’ayant enchanté.

Beauté géométrique des compositions en noir & blanc, force du soleil et des ombres, influence du cinéma italien des années 1960, sentiment du tragique existentiel font de ce petit livre publié à cent exemplaires un mystère lumineux.

Les plus chanceux/curieux pourront découvrir l’oeuvre d’Olivier Kervern au BAL (Paris) les 31 août, 1er et 2 septembre 2018, lors de Rolling Paper #2, festival dédié à l’édition photographique indépendante.

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© Olivier Kervern

Le titre de votre livre, La mort en été, est le même que celui d’un recueil de nouvelles de l’écrivain japonais Yukio Mishima. Est-ce un hasard ? N’êtes-vous pas très proche de l’univers japonais ? 

Ce n’est pas un hasard bien entendu ! la série des images représentant des plongeurs a été réalisée fin 1999 lorsque je commençais la photographie. Il y a quelques années, elles me sont réapparues et je voulais les intégrer à une autre série d’images. Entre temps, j’ai beaucoup lu et j’adore notamment les titres, même ceux de livres que je n’aime pas forcément. Mais cette série de baigneurs, je l’avais associée à ce titre de Mishima. Il n’y a pas de raisons très précises, c’était une forte intuition que j’ai gardée des années et que j’ai réalisée. Par contre, j’aime énormément l’univers japonais, en photographie Issei Suda est une sorte de maître et j’aime en littérature les classiques tels que Soseki, Kobo, Mishima, Kawabata, etc.

N’aimez-vous pas en photographie la forme courte ? Votre ouvrage ne comporte que dix-huit images, certes très choisies. 

La forme courte est spécifique à cet ouvrage. Mon précédent livre était de quarante images et mon prochain de vingt-sept images. J’adapte le nombre de photographie à la personnalité de l’ouvrage. D’ailleurs, si j’exagère un peu, c’est l’ouvrage qui décide, un peu comme ce sont les images qui décident si elles restent dans le temps. Quand je découvre mes images, je dois m’habituer à les voir, et les accepter surtout, telles qu’elles sont et non comme je voudrais qu’elles soient. Parfois, c’est évident, et c’est aussi parfois un long parcours.

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© Olivier Kervern

N’y a-t-il pas dans votre esthétique une influence très directe du cinéma métaphysique italien des années 1960 ? Je pense bien sûr ici au film de Michelangelo Antonioni, L’Avventura

Oui bien entendu ! j’aime beaucoup cette période italienne, notamment La dolce Vita de Fellini et Mamma Roma de Pasolini. Adolescent, j’aimais beaucoup ces films qui m’ont fait une forte impression. La lumière crue, cruelle. J’ai été très frappé aussi par les romans de Marguerite Duras. Je pense à Un barrage contre le Pacifique et au Marin de Gibraltar.

La lumière, la pierre, le corps, c’est la sensualité que je ne connaissais pas. Je passais toutes mes vacances en Bretagne et n’ai pas connu la Méditerranée avant mes vingt-cinq ans Vivre comme dans les livres ou dans les films que j’aimais a été un choc, si je puis dire. Suivre une intuition/fantasme de quelque chose d’intime et d’étranger. Dans La mort en été, je voulais garder la série des plongeurs comme un plan séquence entrecoupé d’un autre temps, d’autres personnages. Il y a quelque chose d’intime et d’étranger.

L’Italie telle que photographiée par Bernard Plossu, Denis Roche ou/et Claude Nori n’a-t-elle pas pu vous inspirer ? 

Forcément Plossu me touche beaucoup ! Surtout que c’est un photographe que j’ai rencontré – les images, non la personne – en commençant la photographie. Il m’a donc accompagné si je puis dire pendant vingt ans. Bien sûr, parfois, je l’oubliais un peu, mais il est toujours resté important pour moi, ce qui est assez rare car souvent il arrive de renier des maîtres que l’on a aimés jeune. D’ailleurs, son ouvrage paru il y a un an, L’heure immobile est magnifique ! Denis Roche est aussi une influence, mais moins forte car plus conceptuelle.

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© Olivier Kervern

Votre titre contraste singulièrement avec la sensualité de vos images. Cette dichotomie vie/mort est-elle présente dans vos autres travaux ? 

Franchement, je n’en ai aucune idée.

Quel a été votre parcours de photographe jusqu’à présent ? Pourquoi avoir choisi le médium de la photographie ? 

J’étais mauvais à l’école, je détestais ça. Après le bac, c’est-à-dire le contrat avec parents/institution j’étais libre… J’ai erré un peu, enfin plutôt beaucoup. Un ami qui faisait de la photographie m’a prêté un appareil et un agrandisseur. Le fait d’avoir commencé la photo et le tirage en même temps a fait que j’ai continué. A l’époque, mes influences étaient Josef Koudelka et Larry Towell. J’étais très admiratif de l’agence Magnum. Je suis parti une année en Inde pour les copier un peu.

Depuis je photographie, fais mes planches contact et tirages à la maison, et le temps passe.

Comment pensez-vous l’utilisation du film argentique et du noir & blanc ? 

Le film est important pour plein de raisons ! D’abord, cela veut dire un choix de format, le moyen format et le 24×36 n’ont pas le même résultat, ce n’est pas le même type d’appareil et pas la même esthétique. Pas la même manière de photographier non plus ! donc le champ est très grand et intéressant.

Je travaille le noir et blanc mais pas seulement, j’aime aussi la couleur, mais je suis plus timide face à elle.

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© Olivier Kervern

Que sont les éditions Bonjour qui ont publié votre livre ? Votre structure éditoriale personnelle ? 

Bonjour éditions est une minuscule maison de Benoit Grimalt, un grand ami qui est photographe, dessinateur et cinéaste. Il publie depuis des années chez Poursuite éditions [voir 16 photos que je n’ai pas prises, livre présenté dans L’Intervalle le 16 septembre 2016] et avait monté cette maison pour faire des collaborations ou co-éditions je crois. C’est un peu flou car pour l’instant je suis le seul à avoir édité avec lui. Mais c’est de l’autoédition. En fait ni lui ni moi ne savons très bien si Bonjour édition existe ! Benoit est un peu une sorte de Perec magnifique, si je puis dire, et sans chercher à trop le catégoriser. Mais en faisant des livres sous ce nom d’édition, cela appellera peut-être de futures belles œuvres ! C’est l’autre méthode !

Quels sont vos travaux/projets actuels ? 

Je sors un livre le 1er septembre intitulé Journal Sud. Je suis parti en Israël pour le magazine Holiday en décembre dernier. Ce magazine auquel je collabore était un magazine américain qui s’est arrêté en 1977. Il y a quelques années le directeur artistique Franck Durant l’a repris et chaque numéro est sur un pays ou une région, par exemple la Californie. J’avais donc une feuille de route et suis parti une quinzaine de jours. Entre temps, un livre s’est peu à peu dessiné avec cette série d’images. Ensuite, je vais préparer des ouvrages sur le Japon, une forme courte mais composée en plusieurs parties, plusieurs ouvrages qui n’en feront qu’un je crois.

En quoi vous considérez-vous comme un sentimental, pour reprendre le titre d’un précédent ouvrage ? 

Comme je vous le disais au début de notre entretien, j’aime énormément les titres de roman. En cherchant un titre pour mon premier livre, j’avais en tête Le métier de vivre qui reste mon titre de chevet ! je ne voulais pas le reprendre et me suis alors décidé pour Profession d’un sentimental. Mais je crois que fondamentalement c’est lié à l’intuition qu’il y a du tragique dans ce qu’on aime. Par exemple j’aime beaucoup la bossa nova, et lorsque j’écoute Vinicius ou Caetano, ou encore Paulhino da Viola et bien si je suis triste cela me rend heureux, et si je suis heureux cela me rend triste. C’est un peu idiot à dire comme cela, mais il y a quelque chose d’inséparable et de très beau, de doux et de cruel, de triste et de joyeux, et de forcément paradoxal.

Propos recueillis par Fabien Ribery

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Olivier Kervern, La Mort en été, épilogue d’Arthur Dreyfus, bonjour (éditions), 2017, 36 pages – 100 exemplaires (épuisé)

Olivier Kervern, Profession d’un sentimental, auto-publié, 2015, format A4, 80 pages – 60 exemplaires (épuisé)

Olivier Kervern, Journal Sud, 2018, 56 pages – 200 exemplaires

Site d’Olivier Kervern

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Olivier Kervern sera présent au BAL (Paris) lors de Rolling Paper #2, festival dédié à l’édition photographique indépendante ayant lieu les 31 août, 1er et 2 septembre 2018 – signature de Journal Sud le 2 septembre

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