
C’est le genre d’ouvrage qui m’enchante, un livre d’artiste très confidentiel, un geste pour rien, pour tout, une petite boule de feu invisible.
Il s’agit de Getting the extra beating heart of my chest, d’Adina Ionescu-Muscel. Il est de format carré comme un 45 tours et s’effeuille comme on cligne des paupières, ou bat les cartes.
D’abord, je ne comprends rien mais ressens beaucoup, puis peu à peu laisse monter des lignes de sens se transformant en phrases.

Voici deux petites filles, très semblables, deux jumelles nées à quelques minutes d’écart. Elles sont sérieuses et drôles, viennent de loin, peut-être de l’est de l’Europe, peut-être d’une époque du monde se soutenant de bipolarité géopolitique.
Tout est dans un noir et blanc unifiant les différents moments de vie, puisque de toute évidence nous découvrons l’intimité d’une famille nous offrant un aperçu de ses albums de photographies.
L’une vit maintenant avec son mari aux Etats-Unis où elle élève ses enfants, l’autre, la photographe, l’artiste plasticienne, la sœur, habite la Belgique.

L’une aurait-elle pu être l’autre ?
La Belge aurait-elle pu devenir l’Américaine ?
La mémoire de l’une pourrait-elle celle de l’autre ?
Quand on a partagé durant de nombreuses années le même lit, la même chambre, l’idée de séparation est-elle possible ?

Qu’est-ce qu’un destin ? Qu’est-ce que la Providence ?
On lit : « We were called The Twins growing up. »
« The rhythm of our hearts has been synchronized since the womb. »
« We land from time to time in the Other’s reality. »
Des images sont de toute évidence prises aux Etats-Unis, dialoguant subtilement avec celles du passé.
On ne saura pas qui est qui.
Passent des corps, des visages, des lieux, des climats, des atmosphères.
Tout est très beau, nimbé de mystère, parfois un peu flou, un peu fou.

Il faut tendre la main dans l’invisible, se retrouver dans une lumière dont on pressent qu’elle est la même de l’autre côté de l’Atlantique, et que la neige qui tombe ici est aussi celle qui couvre le toit des buildings là-bas.
Getting the extra beating heart of my chest se présente comme un rêve éveillé, la réalité étant perçue par Adina Ionescu-Muscel comme une fine pellicule de matière, le moment d’une forme modelant le vide où nous apparaissons/disparaissons.
Son livre est un hommage, au-delà de l’espace et du temps, à l’esprit vivant en nous, en l’autre, et guidant nos chemins d’existence.
Adina Ionescu-Muscel, Getting the extra beating heart of my chest, texte Andree Popescu, 2015, cent exemplaires numérotés et signés

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