Le prix de la liberté, par Ronny Ronning, photographe

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© Ronny Ronning

Dans l’imaginaire norvégien, Soria Moria est le lieu d’un palais intérieur.

Pour le découvrir, il ne faut pas craindre les chemins de solitude, ni d’endurer une longue errance.

Le photographe Ronny Ronning a donné à son ouvrage évoquant le destin d’immigrés venus trouver refuge dans le nord de l’Europe ce titre d’un des contes les plus populaires de Norvège mettant en scène un personnage de condition modeste accédant finalement, après de nombreuses épreuves, à la réussite.

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© Ronny Ronning

Inaugurant son livre par la reproduction du fameux tableau de Theodor Kittelsen, Le Château de Soria Moria (1900), Ronny Ronning a choisi de clore celui-ci par la photographie d’un exilé contemplant d’un sommet, dans une position similaire au marcheur du peintre norvégien, la ville qu’il est parvenu à rejoindre.

Le merveilleux du conte populaire est devenu réalité, mais attention il ne s’agit pas d’inventer une belle histoire en masquant la difficulté du déracinement, plutôt de témoigner du courage et de l’obstination d’hommes et femmes marqués dans leur chair, dans leur visage, dans leurs yeux, d’avoir dû surmonter quantités d’obstacles pour franchir des frontières dans une odyssée ne prenant pas forcément fin une fois le droit d’asile accordé.

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© Ronny Ronning

Alternant paysages à la limite de l’abstraction, métaphorisant la longue et difficile route des immigrants, et portraits de ceux-ci une fois installés en Norvège, Soria Moria est une œuvre puissante, sans pathos, terriblement sensible à l’humaine condition des êtres qu’il expose en préservant leur pudeur et leur mystère.

Le sentiment est celui de l’exil intérieur, de l’impossible, de l’effroi.

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© Ronny Ronning

Des brumes, des formes spectrales, et la présence des corps se dressant entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, fuyant la misère, fuyant des guerres, fuyant le cauchemar de l’Histoire.

Des bonnets, des ombres protectrices, la violence est là, omniprésente encore, mais tue, par respect, par survie psychique, et parce qu’il faut du temps pour dire le mal et les souffrances.

Ici, la neige est épaisse, là-bas les statues sont trouées d’impacts de balles.

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© Ronny Ronning

Des colonnes antiques et des fils de fer barbelés.

Des couleurs, du noir & blanc, et des regards lointains.

Une mère embrasse son enfant, probablement né au pays des trolls, il est sauvé.

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© Ronny Ronning

Des silhouettes, des énigmes, des murs, et des possibilités de passage.

Un exilé témoigne : « Arriving in Sudan after walking for several nights to avoid the army patrols, I was arrested and thrown in a jail cell so dark I could not see my own hands. I didn’t believe such absolute darkness could exist. Then one day, being taken from the pitch dark cell directly into the blinding sunlight, mye yes got damaged. Five years later I still get tears un mye yes on cold and windy winter days. »

Une maison éventrée, des murs fusillés, et le sourire d’une femme venue d’un pays de sable cachant ses larmes.

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© Ronny Ronning

Des lumières de night-club, un visage libre.

Une forêt de pins, et beaucoup de mélancolie.

Des images de bâtiments détruits – par exemple en Syrie – succèdent à des étendues vierges.

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© Ronny Ronning

Il fallait partir.

Il était impossible de rester.

La liberté a un prix, tous ne parviennent pas de l’autre côté de la frontière, mais la présence d’une femme regardant fixement l’objectif, fière et belle, est la justification de tous les sacrifices.

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Ronny Ronning, Soria Moria, editing Ronny Ronning, JH Engström, Gösta Flemming, document and typography Johan Lindberg, Journal (Suède), 2019

Editions Journal

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