©Roland Sénéca
« Ce fond fructifère, lui aussi, / est béant, / cette / descente / est l’une des couronnes / de fleuraison sauvage. » (Paul Celan)
Plus le corps vieillit, plus il est drôle, comme celui d’un nouveau-né à peine sortir du giron.
Il se disloque, s’épanche, s’épate, prend ses aises, s’écroule.
Essaie encore, rate encore, de mieux en mieux.
©Roland Sénéca
Pourtant, quelle structure, quelle organisation démente, quelle tenue de galant impeccable, même dans la tourmente.
Donner forme à l’inédit de ce qui s’agite en nous, voilà le grand œuvre de Roland Sénéca, pour qui le corps est tout, inspiré, aspiré, soufflé d’être.
Que les vents m’emportent est l’un de ses derniers essais dessinés, publié comme il se doit depuis quelques années chez Fata Morgana, opus paraissant conjointement avec le petit volume Au pied de la lettre, préfacé par Bernard Noël.
©Roland Sénéca
Pauvre Rutebeuf, et pauvres de nous qui possédons une richesse intérieure dont nous ignorons généralement la puissance, et la malice de pensée.
Car le trésor vit, bouge, agit, se connecte.
Le burlesque porte livrée, frac, froc, froufrous ourlés.
La vie est dans les plis, et Deleuze un ami baroque.
Quel chemin prendrez-vous ?
©Roland Sénéca
Au commencement était la fécondation, l’ovule pénétré par un intrépide – envoyé de Dieu ?
Ça crie, crisse et claque, mais le silence est d’or – familles, conventions, écoles -, alors que rien ne sommeille.
L’homme au crayon de s’écrier : « Encagé / du premier jour, / qu’est-ce que tu tentes ? »
Il y a du vent dans les hautes futaies, les haubans sont tendus, mais tout tient dans la tourmente et la joie extatique des explosions cérébelleuses.
Kabbaliste à sa façon, l’artiste douarneniste passé par les académies de Pégairolles-de-Buèges (Hérault) et de la Casa de Velázquez (Madrid) ne cesse de questionner et de mettre en jeu les lettres d’un alphabet fondamental, qu’il soit purement organique et/ou scriptural.
©Roland Sénéca
L’opération de transformation aura lieu à cœur ouvert.
« ne rien laisser / à la mort / me disait Georges Perros. / Mais le squelette / lui appartient / dès le premier jour. »
On ne peut s’identifier, le moi est une foirade, ou une branloire pérenne (combien d’années de sévices et de bons et boyaux services ?).
Roland Sénéca, c’est la gloire des animalcules aveugles rampant en nous comme le serpent des origines, et des géants de la montagne jouant au toboggan avec nos intestins.
©Roland Sénéca
Il faut rectifier la maxime pascalienne : l’homme-roseau est une panse pensante, pliant mais ne rompant pas, si ce n’est les rangs des assis de toujours.
« N’est-il pas bouleversant, questionne Bernard Noël, de penser que si, depuis son origine, le monde fut pour l’homme visible, il lui fallut des millénaires pour le rendre dicible, et bien des siècles encore pour rendre la parole lisible et donc visuelle par l’écriture. »
Comme il est bouleversant de prendre conscience que la lettre-microcosme contient dans le mystère de sa forme une partie de l’univers.
Roland Sénéca, Que les vents m’emportent, Editions Fata Morgana, 2022 – 800 exemplaires
Roland Sénéca & Bernard Noël, Au pied de la lettre, Editions Fata Morgana, 2022 – 519 exemplaires sur vélin de Douarnenez
Editions Fata Morgana – Roland Sénéca
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