
Azimut est un mot d’origine arabe, passé au XIIIème siècle par l’Espagne, et signifiant chemin.
Azimut, c’est aussi un formidable projet porté par le collectif photographique Tendance floue.
« En étape, et en se passant le relai, les photographes de Tendance floue et leurs invités pérégrinent à travers le territoire français. L’itinéraire de chacun est libre. »
Seule contrainte supplémentaire pour le premier d’entre eux (Bertrand Meunier), partir à pied de Montreuil, ce qui fut fait le 1er mars 2017.

De façon vagabonde, selon les désirs de chacun, et le hasard des rencontres, la route sera jalonnée de photographies. Au kilomètre 191, à Fontainebleau, Grégoire Eloy continue la marche, avant de passer le témoin à Gilles Coulon au kilomètre 342 à Montargis, puis à Chablis (km 460) intervient Meyer, laissant la place à Antoine Bruy à Vézelay (km 600), terminant le parcours à Saint-Léger-sous-Beuvray (km 798).

Ce pourrait être une course cycliste, mais c’est bien mieux que cela, une lenteur féconde, une tentative de rejoindre les paysages, l’autre, les autres, et de se découvrir soi-même, à la faveur d’une nouvelle expérience propice à la solitude, au ressourcement intime, et à l’ouverture des portes de la perception.
Trente photographes sont concernés, dont dix-huit invités des ténors du collectif.
Trente psychogéographes.
Trente situationnistes d’aujourd’hui.

En six volumes – deux autres seront disponibles en septembre, puis les trois derniers en octobre, novembre et décembre, avant que d’espérer un coffret regroupant l’ensemble – apparaîtra, en couleur et noir & blanc, une certaine idée de la France, méconnue, différente, discrépante, dont le premier titre donne le don : des lieux sans qualité, des architectures entre lesquelles il faut bien vivre, des ronds points aménagés, des portraits de mélancolie (Bertrand Meunier), mais aussi le sublime d’une nature en majesté, sauvage (Gégoire Eloy), des silences, des aubes, des espoirs, la sagesse des paysages, une malice (Gilles Coulon), des menaces, des présages, des attentes, des oracles (Meyer), une ruralité tranquille et fantasque (Antoine Bruy invitant le dessinateur Julien Lafrêchous).
Le projet est bien sûr politique, mais sans tonitruance, fait d’itinéraires bis et de vagues à l’âme.

Chacune des séries photographiques est accompagnée de quelques mots, quelques paragraphes, pages arrachées à des carnets de voyage.
Extrait du journal de Bertrand Meunier, daté du 2 mars 2017 : « Me voilà allongé. Enfin. Fatigué ou déjà trop âgé pour une double activité. La péri-urbanité de ces deux jours me laisse songeur sur la capacité de l’homme à engendrer son propre univers carcéral. Semi-liberté plutôt car il faut bien se déplacer dans cette grande confusion ou illusion : dormir-travailler-loisirs. Sinon je suis tombé sur un collègue. Il surveille le soir un centre commercial. »

Grégoire Eloy, le 15 mars : « Chaque matin je débute ma marche avec les messages vocaux laissés la veille par une amie anthropologue, Sophie Houdart, selon un protocole que nous nous sommes fixé. Depuis plusieurs années, Sophie étudie la région contaminée de Fukushima. Elle y marche, observe, note ce qu’elle voit et ce qu’elle ressent. Mythologie, histoire contemporaine, environnement et sensations personnelles se mêlent dans un récit qui, tel un audioguide, accompagne mes pas. Cette écoute m’invite à découvrir autrement le paysage que je traverse tout en me projetant dans une marche parallèle sur un autre territoire. »
Gilles Coulon, le 23 mars : « J’ai passé la nuit dans un petit château à proximité de Toucy, chez Jean-Luc, sa femme et sa fille. Ils construisent un dôme monumental dans un coin de la propriété pour y ouvrir un musée du loup. »

Meyer, le 2 avril : « Je sillonne vallées et air frais vers le lac de Crescent. Le voilà, sa présence est sa solitude, il semble magnifique, au bord du sommeil. L’eau et la forêt nous sont donnés. Je m’interroge sur les lois authentiques, la peur, ce qu’elle engage comme replis et isolements. »
Antoine Bruy, le 4 avril : « Ce soi, je m’amuse à me faire peur en me rappelant ces films d’horreurs où de gentils randonneurs naïfs se font aider par les gens du coin et finissent dans leurs assiettes après moult péripéties. J’ai du mal à m’endormir. »

La beauté de ces témoignages et des photographies de ce premier volume est ainsi d’accepter ce qui vient, comme une chance, un trouble, une reconnaissance, en pariant sur le manque, l’ellipse, le trou, la fatigue, l’exaltation, mais aussi la fraternité des regards et des sensibilités.
Sensation d’une vérité plurielle, incomplète, donnée, perdue, mutilée, retrouvée.
Ces Azimut pourraient durer une terre entière (de Montreuil au Japon, du Japon à l’Océanie, de l’Océanie à l’Alaska…), ce serait merveilleux, comme une offrande.
Vite, la suite ! et fin de la marche le 19 octobre 2017.
Bertrand Meunier, Grégoire Eloy, Gilles Coulon, Meyer, Antoine Bruy, Azimut, texte de Nicolas Dutent, volume 1, 2017 – 300 exemplaires

Liste des photographes participant au projet Azimut :
Pascal Aimar ● Thierry Ardouin ● Denis Bourges ● Antoine Bruy ● Michel Bousquet ● Guillaume Chauvin ● Gilles Coulon ● Olivier Culmann ● Pascal Dolémieux ● Bertrand Desprez ● Gabrielle Duplantier ● Grégoire Eloy ● Laure Flammarion ● Léa Habourdin ● Mat Jacob ● Marine Lanier ● Stéphane Lavoué ● Julien Magre ● Bertrand Meunier ● Yann Merlin ● Meyer ● Julien Mignot ● Marion Poussier ● Kourtney Roy ● Mouna Saboni ● Clémentine Schneidermann ● Frédéric Stucin ● Flore-Aël Surun ● Patrick Tourneboeuf ● Alain Willaume