Les lamentations de Déméter, par Monika Bulaj, photographe

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© Monika Bulaj

Monika Bulaj est une photojournaliste polonaise naturalisée Italienne née en 1966.

Son dernier livre publié, chez Contrasto (Roma), s’intitule Where Gods Whisper. C’est une traversée de la planète à la recherche des formes du sacré, des rites liant les vivants et leur Dieu, les croyants et l’invisible.

Nous sommes en Ethiopie, au Tibet, en Egypte, en Turquie, en Russie, en Bucovine, en Afghanistan, au Soudan, partout où la foi se manifeste avec ferveur et magie.

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© Monika Bulaj

Nous sommes avec les Samaritains en Israël, mais aussi avec des hommes et femmes persécutés religieusement, réfugiés des monothéismes faussement antagonistes.

Hostilités, hospitalités, destructions de sanctuaires, ces asiles du Tout-Puissant.

En Cappadoce, il y a quelque chose du christianisme primitif.

En Albanie, des enfants étudiant le coran à la mosquée de Prizren semblent issus d’un tableau du maître vénitien Giovanni Bellini.

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© Monika Bulaj

En Haïti, il y a des danses de possession, des cérémonies vaudoues, des vévés manifestés.

Partout sur la planète, ce sont des processions, des pèlerinages, des liturgies, des lamentations, des transes, des prières, sous les voiles, les turbans, les djellabas, les papillotes, les barbes, les kippas.

On est orthodoxe pour célébrer les mythes des origines, car rien n’est plus important.

Passent un prêtre copte, puis une nonne rejoignant le monastère de Saint Antoine du désert dans le Sinaï égyptien.

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© Monika Bulaj

Les attentats font exploser les objets votifs et les visages, qui renaissent en des larmes de deuil et de miracle.

La ferveur religieuse peut paraître incompréhensible au profane, tant mieux. Qui a dit qu’il fallait tout partager, tout déchiffrer ?

Monika Bulaj photographie, entre la vie et la mort, la beauté des rites, la splendeur des inventions liturgiques, aussi le malheur des assassinés, des réprouvés, mais surtout le mystère d’un commerce entre les vivants qui parlent ou psalmodient et les ordres supérieurs.

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© Monika Bulaj

Pour s’unir à Dieu et aux divinités dansent les Hassidim, tournent les soufis, formulent interminablement des mantras les bouddhistes.

Le travail de Monika Bulaj, essentiellement en noir & blanc, en des tirages superbement charbonneux, est considérable, accompagné d’un texte (en anglais) conséquent.

On peut tout lire, faire en permanence le va-et-vient entre photographies et textes, ou simplement se laisser porter par le flux des images, avec la sensation de parcourir le monde entier, dans le bouleversement de nos repères d’espace et de temps.

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© Monika Bulaj

La photojournaliste connaît son cadre, et l’histoire de son art, saisissant les personnages dans des compositions picturales remarquables.

Il y a ici du corps-à-corps, un besoin, parfois, de prendre de la distance, d’élargir le champ, mais surtout d’aller au contact de son sujet, d’être là parmi la foule, dans l’ivresse d’une possession, le bienfait d’une source d’amour sous laquelle on se baigne nus, l’inquiétude des pénitents, l’espoir des réfugiés dans un camp de déplacés, avec le chant, les armes et les folies des humains qui croient à l’au-delà du Calcul devenu monde.

Autres mais ensemble, le temps d’un livre.

Cover_Where_Gods_Whisper

Monika Bulaj, Where Gods Whisper, texte de Monika Bulaj (traduit du polonais par Maya Latynski, et de l’italien par Marguerite Shore), éditions Contrasto, 2017, 250 pages

Site de Monika Bulaj

Editions Contrasto

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