Saint-Etienne, un cas d’école, par Jordi Ballesta, Eric Tabuchi et Guillaume Bonnel, photographes

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© Guillaume Bonnel

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© Guillaume Bonnel

J’avais interrogé pour un entretien vaste et passionnant Guillaume Bonnel à propos de son livre Anatomie d’une ville (Filigranes Editions, 2019), publié dans L’Intervalle le 6 février 2020.

Nous prolongeons aujourd’hui notre dialogue au long cours suite à la parution de Grammaire de formes, projet quadricéphale mené avec les photographes Jordi Ballesta, Eric Tabuchi et l’universitaire Danièle Méaux.

La ville de Saint-Etienne est de nouveau auscultée en sa singularité, sa résistance à l’uniformisation, sa volonté de maintenir une diversité sociale, son noble passé ouvrier.

Il s’agit ici d’établir une sorte de cartographie des formes architecturales, de questionner le langage visuel de la ville, son idiosyncrasie géométrique.

Guillaume Bonnel s’est intéressé avec beaucoup de malice et de pertinence théorique, mettant le lecteur au travail, à la notion de lieux/paysages isomorphes, Eric Tabuchi à l’incongruité et autonomie des formes, à la façon de son formidable Atlas des Régions Naturelles, et Jordi Ballesta aux éléments urbains, aux détails et pratiques vernaculaires.

Porté par un enthousiasmant esprit de recherche, Grammaire de formes, dont la professeure Danièle Méaux signe les textes, est un livre pariant sur le pouvoir d’émancipation de chacun contre le système des réglementations envahissantes, à la façon de l’invention des gestes libres pensée par Michel de Certeau.

Ce peut être aussi une étonnante enquête policière à la mode borgésienne.

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© Guillaume Bonnel

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© Guillaume Bonnel

Après Anatomie d’une ville (Filigranes Editions, 2019), vous participez aux côtés de Jordi Ballesta et Eric Tabuchi, au volume Grammaire de formes, situé également à Saint-Etienne. Mais que se passe-t-il donc dans cette ville pour qu’elle soit ainsi l’objet de tant d’attentions de la part des chercheurs visuels que vous êtes ?

La voix de Saint-Etienne est effectivement particulière dans le concert des villes françaises. Aujourd’hui toutes les métropoles régionales se ressemblent un peu, ce sont des espaces compétitifs organisés pour attirer population et forces économiques. La compétition que se livrent Bordeaux et Toulouse pour atteindre le million d’habitants en est un bon exemple. Les villes laissent beaucoup de leur âme dans cette course effrénée, et elles s’uniformisent terriblement, notamment pour répondre rapidement au besoin de logements. Certaines villes de France gagnent ainsi 10 000 habitants par an, à la suite de l’établissement d’une liaison LGV par exemple. Dans ces conditions la pression est très forte, et le modèle « tramway, rue piétonne, quartier d’affaires, zone résidentielle » se répète à l’infini. Il me semble que Saint-Etienne échappe un peu à cette uniformisation pour diverses raisons : un solde migratoire quasi nul, avec 500 habitants de plus entre 2015 et 2020, un passé industriel, un centre-ville socialement très diversifié, une faible gentrification…  

Ce qui est à mes yeux passionnant pour un photographe dans cette ville c’est la variété et la diversité de ses formes architecturales, et les gestes d’appropriation qu’y déploient les habitants, comme ceux qui sont montrés dans le travail de Jordi Ballesta. Il y a une vraie richesse formelle, des audaces architecturales qui peuvent déplaire mais qui sont un régal pour la pensée visuelle. Je me souviens d’avoir entendu un jour dans le tramway à Lyon une vidéo promotionnelle qui m’annonçait que je venais de mettre le pied dans une « smart city », une ville intelligente. Avec le recul, je me dis qu’il s’agissait là uniquement du versant technologique de l’innovation, car à bien des égards Saint-Etienne est aussi une ville intelligente, mais au sens de l’innovation sociale, par sa capacité à faire cohabiter des gens différents, là ou d’autres métropoles segmentent les populations.

Mais il y a un autre élément d’explication en réponse à votre question, qui réside dans la dynamique qu’ont su établir dans cette ville Danièle Méaux et les chercheurs du CIEREC, de l’École d’Architecture, et de l’École d’Art et de Design, avec de nombreux doctorants et chercheurs qui utilisent la photographie.

Qui sait, peut-être parlera-t-on un jour d’une « École de Saint Etienne »…

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Bâche servant à la fermeture d’un balcon accrochée sur la dalle du balcon de l’étage supérieur, Rive-de-Giers, mars 2019 © Jordi Ballesta

Votre démarche photographique serait-elle de l’ordre de l’interrogation sémiologique, ou plus largement relèverait-elle des questionnements linguistiques ? Le titre Grammaire de formes indique une telle voie.

Ce n’est pas moi qui ai choisi ce titre, même si je le trouve parfait pour regrouper nos travaux à tous les quatre. Si interrogation linguistique il y a dans mon travail, c’est dans la volonté que les images participent d’une forme de pensée, et accréditent l’idée d’un langage visuel qui permettrait de caractériser l’espace. C’est ainsi que sont apparus les mots clés que nous avons identifié dans Anatomie d’une ville, par observation du corpus d’images. Ma démarche méthodique de constitution du corpus photographique tentait d’aller dans ce sens : quels éléments de connaissance pouvait-t-on tirer d’une appréhension purement visuelle des formes urbaines ? En ce sens les images captent peut-être le langage de la ville. C’est l’idée d’une grammaire descriptive évoquée par Danièle Méaux dans son introduction, qui étudierait de nouvelles formes langagières dans leurs évolutions.

Vous vous êtes intéressé à la notion d’isomorphisme. Pouvez présenter son intérêt et ses vertiges ?

Pour donner à mes images le statut d’outil pour penser les formes urbaines j’ai voulu remobiliser cette notion dont je suis familier depuis ma série Orthèses, et qui alimentait ma posture de photographe en posant cette question : la photographie peut-elle révéler des liens entre les formes de la pensée et les formes spatiales ? Je repense à cette formule dont j’ai oublié l’origine, qui affirme que « penser c’est comparer ». C’est en effet surtout une démarche comparative que je convoque ici sous la notion d’isomorphisme.  Mais il faudrait presque ajouter un point d’interrogation à ce titre, car en choisissant des diptyques associant des lieux isomorphes, je cherche surtout à stimuler le regard du lecteur. Car ces isomorphismes ne sont pas évidents, ils sont comme des hypothèses visuelles. Au-delà d’une apparente congruence entre les lieux, l’idée c’est que le lecteur se demande « mais pourquoi ont-ils été associés » ? Il me semble que c’est à cette condition que les images donnent à penser, à rebours d’une affirmation péremptoire. Et de fait, en cherchant une réponse à cette question le lecteur commence à chercher des correspondances entre les scènes photographiées : agencements de formes, fonctions, couleurs, histoire architecturale… et il fait penserles images. J’ai personnellement été marqué par l’omniprésence de certains motifs, disons des ensembles composites hétérogènes, qu’il m’a semblé voir plus nombreux à Saint-Etienne qu’ailleurs, et leur répétition dans la ville accrédite l’idée d’une spécificité.

Quant aux vertiges de la notion, vous faites allusion aux précautions prises par Pierre Bourdieu dans sa postface à l’ouvrage d’Erwin Panofsky Architecture gothique et pensée scolastique, où il met en garde contre ce qu’il appelle « l’intuitionnisme », c’est-à-dire une manière de considérer comme isomorphes des éléments qui ne sont pas rigoureusement – et scientifiquement – mis en état d’être comparés. Les connexions formelles établies entre la scolastique et l’architecture gothique, au tournant du XIIème siècle dans un rayon de 150 kilomètres autour de Paris, par Erwin Panofsky ne sont pas en effet une simple comparaison, mais une recherche de connexions précises et formelles, reliées par des liens de causalité effectifs et historiquement situés.

Rien de tel de mon côté, et en ce sens je revendique pleinement mon intuitionnisme et je l’assume !  Car mes photographies n’ont pas la capacité d’établir les déterminants profonds qui relient entre eux les lieux que j’ai associés comme isomorphes. Elles tentent simplement de les faire apparaître. Les chaînes de causalité sont nombreuses, et c’est précisément leur combinaison qui rend la tâche difficile : règles du plan local d’urbanisme (ou tolérances dans leur application…), effets d’imitation entre constructeurs, architectes ou habitants, homogénéisation des matériaux et de leurs sources, convergences historiques, effets d’aubaines, aides publiques conditionnées par le respect de certains procédés, pratiques vernaculaires partagées…

04-Puits Couriot, Saint-Etienne, 2020

© Eric Tabuchi

13-4-Pressing 2000, St-Jean-Bonnefonds, 2020

© Eric Tabuchi

Y aurait-il comme un inconscient visuel des villes, des jeux de formes peu visibles d’abord à l’œil nu, des cohérences discrètes, des échos difficilement perceptibles dans un premier temps, dont votre recherche voudrait rendre compte ?

Je me souviens d’un professeur de photographie des Beaux-arts de Tourcoing, où j’avais suivi quelques cours il y a très longtemps, qui m’avait dit que « les photographes sont souvent en déficit par rapport à la réalité ». Cette formule m’est longtemps restée impénétrable, mais il voulait sans doute dire en cela que le photographe ne se satisfait pas de ce qu’il voit, qu’il n’est jamais totalement en phase avec le réel, et que c’est ce décalage qui le pousse à voir différemment, ou à voir davantage, grâce à cet œil mécanique hypermnésique

Il me semble que c’est un peu ce que suggère votre question, où je vois presque une allusion à l’allégorie de la caverne de Platon :  la ville aperçue « à première vue » ne serait qu’un reflet trompeur et illusoire que seule une vision plus construite pourrait dépasser ? Sans doute que pour consolider mes constats visuels la comparaison et la recherche d’isomorphismes permet de déjouer les pièges d’une vision trop immédiate et superficielle. L’observation d’une répétition des motifs et des agencements composites, situés parfois à plusieurs kilomètres les uns des autres dans la ville, atteste de leur réalité au-delà d’un constat fortuit, et valide mes hypothèses visuelles. J’aime cette idée que les images permettent de rendre le monde plus intelligible, et qu’elles peuvent contribuer à produire de la connaissance. En l’occurrence on s’éloigne ici beaucoup de Platon car, dans sa discussion avec Glaucon, Socrate affirme bien que l’on s’échappe de la caverne pour parvenir au monde des idées « sans le support d’aucune perception des sens ». C’est sans doute pour débarrasser les images de cette « tare » originelle que j’ai photographié Saint-Etienne très méthodiquement, en me méfiant de la notion de « point de vue » et en procédant par grappes visuelles plus que par images uniques et décisives.

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Toits et anetenne parabolique en contrebas d’un viaduc autoroutier, Rive-de-Giers, septembre 2018 © Jordi Ballesta

Vos paysages sont d’évidence très minéraux, mais ne sont-ce pas le principe de vie, les flux, les circulations, les passages, que vous étudiez d’abord ?

Les images se penchent sur la répétition de motifs visuels au sein d’espaces composites qui sont mis en relation par la notion d’isomorphisme. Les éléments qui rapprochent ces images peuvent être morphologiques, chromatiques, structurels, topographiques, et ce sont même parfois de simples ambiances… La minéralité des images provient de l’objet de la recherche – l’habitat et les formes urbaines – même si certaines d’entre elles (pages 86-87, 88-89, 92-93…) font entrer le végétal dans ces formes, par le biais des jardins qui sont un élément essentiel du paysage urbain. Pour les autres principes de vie que sont les flux, circulations et passages, je les ai un peu délaissés au profit d’éléments plus statiques. En général j’aborde ces questions avec des images plus narratives, dans lesquelles je montre les signes de l’intervention humaine qui peut se réduire à l’état de traces. Je m’intéresse beaucoup aux « faits divers » du paysage, à ces menus accidents qui lui donnent peu à peu sa forme. Mais paradoxalement cela concerne davantage des travaux qui se situent dans des espaces naturels ou ruraux, sur les observatoires photographiques que je réalise en ce moment par exemple.

Avez-vous eu des temps d’échanges, de concertation, d’élaboration, avec les deux autres photographes, Eric Tabuchi et Jordi Ballesta, ainsi qu’avec Danièle Méaux, professeure à l’université de Saint-Etienne en esthétique et sciences de l’art, qui signe les textes de votre livre ?

Danièle Méaux et Jordi Ballesta faisaient partie du projet OPTIMUM, le groupement de chercheurs avec lesquels j’ai travaillé pendant mon post-doctorat, et nous avons eu l’occasion d’échanger longuement à plusieurs reprises lors des séminaires de recherche, notamment pour constater que nous avions des regards complémentaires sur la ville. Eric Tabuchi a travaillé sur Saint-Etienne postérieurement à cette recherche, mais nous avons pu discuter de nos travaux dans le cadre du maquettage de Grammaire de formes et de la préparation de l’exposition éponyme qui devrait s’ouvrir à la fin du mois de mai au Musée de la Mine. Nos trois points de vue sont très différents et complémentaires, mais fonctionnent très bien ensemble comme le constateront les visiteurs de l’exposition.

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© Guillaume Bonnel

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© Guillaume Bonnel

Comment pensez-vous l’articulation de vos trois approches de la ville : des signes visuels incongrus, peu valorisés ou oubliés par Eric Tabuchi, des matières et prélèvements d’éléments urbains par Jordi Ballesta (conduits de fumée, étendoirs à linge, escaliers…), des paysages pour vous ?

On m’a déjà dit à propos de ce travail que mes images n’avaient « pas de sujet », ce qui peut paraître vrai à première vue si on les compare à celles d’Éric et de Jordi. Je suis un peu gêné de parler en leur nom, mais si l’on excepte la différence de statut juridique des lieux photographiés, qui sont des lieux privés pour Jordi, et mixtes pour Eric et moi, nos différences sont d’abord des différences d’échelles et de points de vue. Disons qu’Éric isole et centre des objets – ce qui est plus complexe qu’on pourrait le croire d’ailleurs, notamment en milieu urbain – selon la démarche très construite qui a donné naissance à L’Atlas des Régions Naturelles.  Jordi révèle des détails et pratiques vernaculaires à l’aide d’un téléobjectif et les met en regard de textes juridiques issus des procédures de déclarations de travaux.

Pour ma part j’ai plutôt tendance à englober des ensembles qui tiennent par la composition. Ce n’est pas l’objet photographié qui « fait image » dans mes paysages, c’est le cadre. Le regard rebondit d’un bord à l’autre, hésite, puis comprend qu’il va falloir se nourrir de ce qui est rassemblé au milieu, sans aucune hiérarchie évidente. C’est un peu comme si la vertu hypothétique de mes images résidait dans cette posture : faire tenir ensemble des éléments disparates et composites par la force du cadre. La démarche est métonymique, comme si l’acte photographique avait (prétentieusement !) le don de « faire ville ».

Y a-t-il selon vous tension en vos images entre savants plans d’urbanisme, nouveaux projets architecturaux et bricolage existentiel, voire indocilité des vivants perceptibles par des réseaux de signes obliques (pas de personnage représenté) ?

L’idée que les habitants contournent la réglementation et autres formes de contraintes par des ruses et autres tactiques a été énoncée par Michel de Certeau dans L’invention du quotidien, paru en 1980. Ce texte a été pensé en contrepoint du Surveiller et punir de Michel Foucault paru cinq années plus tôt, où l’individu était présenté comme bien plus enserré dans des dispositifs de contrôle. Ce prisme du « braconnage culturel » est précieux pour comprendre Saint-Etienne, et a fortement contribué à me la faire aimer. Par exemple j’ai remarqué à maintes reprises que les habitants de certains quartiers mettaient des pneus usagés autour des bornes anti-stationnement en béton, pour éviter d’abîmer leurs voitures en faisant des manœuvres. Je vois dans ce geste apparemment banal une sorte de « design correctif » sauvage : en venant parfaitement couronner la borne le pneu ne la rend pas dysfonctionnelle, il la rend juste inoffensive pour les véhicules, et chacun sait à quel point la tôle froissée est coûteuse ! En définitive, il est toujours impossible de stationner, mais cela ne risque plus de froisser les carrosseries. Ce jeu est un peu permanent à Saint-Etienne, d’après moi c’est un vrai plaidoyer pour un urbanisme plus participatif, faisant appel à l’intelligence des habitants et des usagers de l’espace public. L’image conclusive de la série, qui est aussi un peu celle du livre, résume très bien cette inventivité.

24-Immeuble 80, Terrenoire, Saint-Etienne, 2020

© Eric Tabuchi

12-Bar-Tabac, Le Chambon-Feugerolles, 2020

© Eric Tabuchi

Y a-t- il en vos trois approches réunies quelque chose comme un Verfremdungseffekt (effet de distanciation) brechtien, qui est une façon de se réapproprier, politiquement, l’espace en rendant visible sa part de banalité, ses aspects ingrats, sa beauté extra-ordinaire ?

Georges Perec écrit dans Espèces d’espaces que « malgré soi, on ne note que l’insolite, le particulier le misérablement exceptionnel : c’est le contraire qu’il faudrait faire ». Je pense qu’à bien des égards c’est en partie le programme que s’est donné la photographie contemporaine, la photographie spatiale à tout le moins, depuis les années 80, avec les paysages ordinaires représentés par les photographes de la mission DATAR et les tous ceux qui leur ont emboîté le pas.

Mais finalement, si l’on regarde cette formule de près, l’exceptionnel et le banal se ressemblent plus qu’on ne le pense, et il y a une dimension diacritique dans cette opposition de valeurs. La photographie est quand même finalement très marquée par un « tropisme du bizarre », traquant sans cesse le décalage, ou cherchant à « transfigurer le banal » par un acte de mise en scène, d’objectivation ou de mise en série. Elle a cette étonnante force d’élection, elle peut transformer ce qu’elle montre en sujet digne d’intérêt, juste en disant « ceci existe ». Et finalement le banal photographié, qui se retrouve exposé dans des livres et musées ne devient-il pas exceptionnel ? Aujourd’hui par exemple on photographie de pompeuses Chambres de commerce et d’industrie des années 70 ou 80 avec délectation, pourtant il y a 40 ans c’étaient des lieux emblématiques du pouvoir économique local suscitant très peu l’intérêt des photographes. J’y vois juste une sorte d’inversion des valeurs, comme un jeu perpétuel entre les artistes et le pouvoir… 

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Escalier, balustrade métallique, stockage d’objets et matériaux, Rive-de-Giers, septembre 2018 © Jordi Ballesta

Vous vous sentez donc proche d’un auteur tel que Georges Perec ?

Je le connais trop mal pour m’en revendiquer sérieusement. Mais il y a cette phrase que j’adore à la toute fin d’Espèces d’espaces : « L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête ». Il y a vraiment de quoi déclencher une vocation de photographe ! Ce livre a donc peut-être influencé ma manière de conquérir photographiquement la ville, d’autant que j’étais assez peu coutumier du fait au moment où je suis arrivé à Saint-Etienne, après plusieurs années de travaux sur l’espace rural. La manière dont j’ai constitué mon corpus d’images par grappes pouvait, comme chez Perec, s’apparenter à une tentative « d’épuisement » des lieux que j’avais choisi de photographier, en les regardant sous toutes les coutures, et en dilatant la notion de point de vue. Pourtant je n’ai pas abordé la ville par un prisme hiérarchique, comme il le fait en passant graduellement du lit à la chambre, puis à l‘appartement, l’immeuble et ainsi de suite… mais plutôt horizontalement, en l’explorant quartier par quartier. Je ne compte plus les kilomètres parcourus dans Saint-Etienne, c’est sans doute la ville que j’ai le plus regardé ; elle restera une expérience très étrange pour moi, une ville où je n’ai vécu que comme photographe…

Propos recueillis par Fabien Ribery

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Guillaume Bonnel, Eric Tabuchi, Jordi Ballesta, Grammaire de formes, préface de Marie-Caroline Janand, textes Danièle Méaux, conception graphique Patrick Le Bescont assisté de Céleste Rouget, Filigranes Editions, 2021, 130 pages

Filigranes Editions

Guillaume Bonnel – site

Jordi Ballesta – site

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Eric Tabuchi – site

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Le voyage à Saint-Etienne peut continuer avec le superbe Collections, catalogue du Musée d’art moderne et contemporain Saint-Etienne Métropole – publié chez Snoeck.

Une série de photographies de Bernard Plossu inaugure cette ouvrage sur cette institution d’envergure, riche notamment d’oeuvres témoignant de la vitalité de l’art américain ou de l’art allemand, mais possédant aussi des fonds moins connus : fonds symbolistes, collection d’art primitif Victor Brauner, fonds photographique Raul Hausmann, collection de dessins contemporains.

Une collection exponentielle (plus de 20 000 oeuvres) que complète un fonds design unique en France.

Trop peu connu, le MAMC+ est probablement l’un des musées les plus importants de notre pays fêtant cette année ses trente ans avec une publication particulièrement réussie, tant formellement que par la qualité des intervenants y prenant part.

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