Benvenuti a Scampia, banlieue de Naples,  par Davide Cerullo, écrivain, photographe

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VISUEL invitation
© Davide Cerullo

« C’est ce rôle de passeur d’humanité qu’incarne Davide à Scampia, et les photos qui naissent et témoignent de son action s’inscrivent dans une vision fort proche de celle (de Pasolini), car elles affirment qu’il y a là des trésors de beauté, d’espérance, de générosité, prêts à s’épanouir. » (Ernest Pignon-Ernest)

A Scampia, quartier très populaire de Naples, Davide Cerullo, photographe, écrivain, est chez lui. Il y connaît chacun, et les immeubles, et les ciels qui les traversent, les soucis quotidiens de tous et les coups de sang.

Lui-même, qui aujourd’hui croit en l’art comme voie d’émancipation, a connu la criminalité en bande organisée, happé par la pieuvre Camorra, qui l’a mené en prison, où, ce n’était pas prévu au programme, il a découvert Pasolini et la poésie, qui est la voix du peuple, qu’elle soit savante ou non.

Davide Cerullo regarde les enfants, leur parle, les reconnaît, les photographie, leur offre visuellement une autre existence que celle des clichés qu’impose la misère et la prédélinquance.

Le livre que publient aujourd’hui les éditions Gallimard à l’occasion d’une exposition d’une trentaine de tirages dans leur galerie de la rue de l’Université (Paris), Visages de Scampia, rend hommage à son travail artistique, comme à son engagement social.

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Erri de Luca le décrit ainsi : « Il a voulu produire des images, photographier et le voilà derrière un diaphragme en train de découvrir, de dévoiler, de dénuder. Ce n’est pas un douc, Davide Cerullo, c’est du vif-argent qui mesure la température extérieure. Il peut se déformer, mais pas écraser ni comprimer. Ceux qu’il fixe sont des photogrammes d’une autobiographie. »

La première image de son livre le montre enfant tenant la corne d’une chèvre fixant l’objectif. Au loin les constructions collectives sont floues, comme une menace. Il y a ici la mythologie d’un futur Jason, ou de David contre Goliath.

A Scampia, où Ernest Pignon-Ernest a aussi collé un Pasolini portant son propre cadavre à la façon d’une Pietà laïque (il arpente Naples en tous sens depuis 1988), la méchanceté peut engloutir les âmes, ou au contraire les pousser à la combattre en s’unissant. Le contraire du Un qui divise, pour l’unité de la multitude.

VISAGES DE SCAMPIA P. 102 photo Davide Cerullo © Davide Cerullo-éditions Gallimard copie
© Davide Cerullo

Image 2, des barres d’immeubles dans lesquels nous allons entrer (Davide a les clefs), tout en les contournant pour comprendre un peu dans quel environnement elles sont situées.

Des mères apparaissent, en noir & blanc, ou couleur, jeunes, fières, fatiguées, et partout la beauté des enfants, torse nu, rétifs, en danger de mort plus que menaçants.

« Quand je vendais la mort pour le boss Antonio Leonardi, j’accourais chaque fois que j’entendais les sirènes d’une ambulance. Je voulais voir ce qui s’était passé et souvent il s’agissait de l’habituel toxicodépendant mort d’overdose. »

VISAGES DE SCAMPIA P. 30-31 photo Davide Cerullo © Davide Cerullo-éditions Gallimard copie
© Davide Cerullo

La communauté pleure, se révolte, prie ses saints.

Dans un texte accompagnant ses photographies, Davide Cerullo raconte les sales histoires de Scampia, la drogue, les viols, les menaces, la logique des caïds, petits ou grands, les yeux blessés.

Sara, dix-huit ans, écrit à son père derrière les barreaux : « Papa, arrête de jouer au dur, au héros, de toute façon tu ne gagnerais aucun monde, essaie de te mettre devant toi-même pour regarder en toi et réfléchir. Tu sais que j’ai toujours cru que mon affection, et celle de maman pouvaient te suffire ? Toi, en revanche, tu n’as accordé de l’importance qu’à la gloire à l’intérieur d’un sale système qui t’a tout pris et ne t’a rien donné. »

VISAGES DE SCAMPIA P. 78-79 photo Davide Cerullo © Davide Cerullo-éditions Gallimard copie
© Davide Cerullo

Les photographies de Davide Cerullo ne sont pas un rapport de médecin légiste, mais un partage, une fraternité, un rêve en commun, et le voilà qui cite le poème de Danilo Dolci : « Chacun ne grandit seulement que s’il est rêvé. »

Scampia, c’est Gomorra de Roberto Saviano, mais c’est aussi bien autre chose, un bouillon d’humanité, un temple dont les colonnes sont à relever, un territoire à désirer pour pouvoir le réinventer, l’or de Naples.

On peut lire cette phrase bombée sur le béton : « La cultura e l’unica arma di riscatto. »

La culture est la seule arme de rachat.

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Davide Cerullo, Visages de Scampia, Les justes de Gomorra, textes de Christian Bobin, Erri de Luca, Ernest Pignon-Ernest, traduction de l’italien Danièle Valin, Gallimard, 144 pages, 90 illustrations

Site Gallimard

VITRINE Visages-de-scampia

Exposition de photographies de Davide Cerullo, ainsi que de dessins et photographies d’Ernest Pignon-Ernest, à la galerie Gallimard (Paris), du 25 mai au 16 juin 2018

Galerie Gallimard

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