Un kouglof de proximité pour Paul Otchakovsky-Laurens, par Dominique Fourcade, poète

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« nous cherchons tous à ne pas le quitter. mais ce n’est pas facile, il nous échappe, parce qu’il a été comme édité par ses livres, adolescenté par eux, innocenté »

Ce sont deux cent cinquante-six auteurs en quête d’un éditeur naufragé.

C’est un poète, Dominique Fourcade, foudroyé un mercredi 3 janvier, par l’annonce de la disparition d’un ami : « Paul est mort », entend-il, alors qu’il roule en automobile avenue du Général Leclerc.

Vient d’avoir lieu « un tir à balles réelles », « avec nom réel ».

Dans la désorientation, l’écriture est un amer, une spirale de compréhension.

Dans la nuit, c’est la voix de la chanteuse Kim Gordon, du groupe Sonic Youth, qui fait tenir.

Paul Otchakosky-Laurens est ce qu’on appelle un éditeur à vie : qui a signé avec lui s’engage à lui donner une œuvre entière. Il offre le temps long et la confiance, une veille lumineuse, destinale.

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P.O.L., c’est Olivier Cadiot, Marie Darrieussecq, Emmanuel Carrère, Jacques Dupin, Christophe Tarkos, Hubert Lucot, Jean Rolin, Charles Pennequin Marguerite Duras, Valère Novarina, Robert Bober, Leslie Kaplan, Marie Depussé, Harry Mathews, Jean Frémon, Georges Pérec, Claude Royet-Journoud, tant d’autres.

« le livre un galop sans avoir pris d’élan c’était ça qu’il aimait », un peu comme un concert de rock commençant immédiatement pleins feux, dans le dérapage des guitares.

La mort pour Dominique Fourcade, c’était d’abord des corps d’arabes fusillés « beaux comme des anges » l’été 1958 en Algérie.

C’est désormais le trou agrandi au cœur de son écriture, une élégie sans bord, sans centre, infinie.

Eté 1958, temps de la frérocité, Mai 1968, temps de la parole levée, Hiver 2018, temps des obsèques : « dans la ferveur commençante, on embrasse des hommes qu’on n’a jamais embrassés »

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On entre dans le neutre de la chaleur commune, dans l’ouvert rilkéen, cézanien, heideggérien.

On est un arbre que peuplent des couleurs, des sons, des parfums.

On est un écrivain, et l’on continue à détruire ceux qu’on aime : « j’en viens à me demander si ce n’est pas de les avoir publiés qui l’a exposé à la mort. qu’un livre expose son auteur, il est fait pour ça. Mais nos livres sont censés protéger ceux qu’on aime, autrement ce sont des petits salauds d’égoïsme »

On est un écrivain, et l’on porte son chant à Frédéric Boyer, qui est mieux qu’une reprise de flambeau, qui est un cloud, qui est une clé usb ayant la dimension de plusieurs bibliothèques, un peu comme un sac Adidas géant bourré de bonne came.

Il y a « nous les P.O.L. », comme il y a nous les Minuit (Jérôme Lindon), comme il y a nous les L’Infini (Philippe Sollers).

Un homme est mort, et « nous allons regagner la paroi / de l’art pariétal à laquelle / nous appartenons / mais quoi que je fasse je traîne un cercueil /    d’engelures et de varices »

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Dominique Fourcade, deuil, P.O.L., 2018, 64 pages

Site des éditions P.O.L.

Merci à Hadrien France-Lanord pour la transmission de ce livre.

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Se procurer deuil

Hommage à Paul Otchakovsky-Laurens, vendredi 29 juin 2018 avec Frédéric Boyer, Bertrand Belin, Marie Darrieussecq, Jocelyne Desverchère, Dominique Fourcade, Iegor Gran, Kiko Herrerro, Mathieu Lindon, Atiq Rahimi, Jean Rolin, Francis Tabouret à la librairie Les Cahiers de Colette (Paris) – soirée présentée par Frédéric Boyer et Jean-Paul Hirsch

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