
Journal à rebours est une ballade photobiographique de Nicolas Comment.
Si le titre fait songer au livre de Joris-Karl Huysmans, son auteur n’est pas Des Esseintes le décadent, qui choisit ici de flâner dans sa vie (1991-1999) en ordonnant les images de son existence passée entre Mâcon, Dijon, Lyon et Paris, moins marquée par le mal d’un siècle finissant que par une recherche de beauté et de douceur.

Il ne s’agit nullement pour le personnage Nicolas Comment – considérons avec lui que son livre est une autofiction – de se retirer du monde dans une position d’extraterritorialité confortable, mais d’y inscrire le plus élégamment possible son corps, ses rêveries, son désir d’amour.
La vision rétrospective en des images bordées de cadres noirs comme dans les années 1980, il fallait oser.

La levée des fantômes de la jeunesse, il fallait oser.
Une barre d’immeuble, un bouleau blanc, le visage des amis, les envies de départ, l’ombre de la mort, et la beauté de Vanessa, inoubliable.
Journal à rebours n’exhibe rien, mais choisit le dévoilement pudique, l’érotisme et la fraternité comme langage universel.

Des fragments de chansons, des confidences, des documents.
Journal à rebours remonte à la source d’une vocation, associant en un même mouvement art et amour : « Ce jour-là, tandis qu’elle retirait son pullover anthracite, dévoilant sa poitrine dénudée devant l’objectif, je suis peut-être devenu photographe en même temps que je tombais amoureux. »
Les femmes aimées, les complicités de tous les jours, les rencontres essentielles (Bob Dylan, John Cale, Raymond Depardon, Bernard Plossu, Patrick Le Bescont, Willy Ronis, Magdi Senadji, André S. Labarthe), la mort qui rôde.

Commentaire de Guy Debord : « Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps. »
Des Esseintes avait fait incruster dans la carapace d’une tortue des pierres précieuses, l’étouffant finalement sous leur poids.
Nicolas Comment quant à lui, extrayant de la réalité quelques rosées d’images, cherche à ne surtout pas peser, conscient que l’art est une parure, mais aussi une gratuité se perdant dans l’esprit de sérieux.

Son livre ne clame donc pas de façon solennelle « Noli me tangere », mais murmure : « Emporte-moi, ne crains pas de me déchirer ou de me donner à d’autres bras. En attendant, je repose parmi les mèches de cheveux très noirs, les lunettes de soleil, et un CD de Nick Cave, sur la banquette arrière d’une voiture filant vers la capitale. »
Nicolas Comment aime la poésie française, Apollinaire, La Chanson du mal-aimé, les mélodies de Gabriel Fauré, les grands auteurs et les vers qui trébuchent dans la simplicité.

Il y a chez lui des masques et des bergamasques, des secrets et des noirceurs, des sourires et des retraits.
Ses photographies sont des poèmes en prose composés au fil des jours, alors que dans la petite chambre qu’il occupe sous les toits sa belle amie se déshabille.
L’appareil de vision capture le temps à l’instant de sa perte, fasciné par sa fuite, passage d’une adolescente dans une chanson d’Yves Simon.

Le jeune homme a grandi, est devenu papa, se souvient du temps de la jeunesse perdue.
Nicolas Comment, Journal à rebours, Filigranes Editions, 2019, 144 pages
Nicolas Comment est représenté par la galerie Polka (Paris) et la galerie 127 (Marrakech)

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