« Mon voyage se transformait, le théâtre l’avait envahi. »
Il me faut aller en Italie, plusieurs fois par an, par mois, par semaine, par jour.
Il me faut des cartes routières, les détails des horaires des trains et des avions, des adresses d’hôtels et d’appartements.
Il me faut à chaque instant, c’est le plus simple, la littérature.
Ainsi, Rendez-vous à Parme de Michèle Lesbre, livre de solitude et de théâtre, d’amour léger et de souvenirs d’enfance.
J’ai souvent hésité à la gare de Milan : aller directement à Venise en passant par Bergame, Vicence, Padoue, ou m’attarder du côté de Pavie et Parme.
Je ne me suis finalement jamais rendu dans cette cité souvent décrite comme une belle endormie, l’auteure de Nina par hasard m’en offre l’occasion.
« Il y a toujours une place Garibaldi dans une ville italienne, à Parme aussi. Elle était presque déserte. J’ai bu un café à une terrasse, en écrivant. »
Voilà, c’est parfait, l’atmosphère est là, je peux partir, je suis déjà parti.
Le premier amour italien de Michèle Lesbre se nomme La Chartreuse de Parme, que lui lut lorsqu’elle avait quatorze ans, sur une plage de Normandie, un homme ayant l’âge de son père.
C’est aussi le message secret d’un livre offert en héritage par Léo, ami et amoureux de jeunesse, dont le théâtre fut le métier.
Le cœur bat pour un nom (Parme), pour un homme de passage, pour un souvenir qui insiste.
La narratrice s’appelle Laure, c’est une louve errant dans le delta du Pô.
Dans ses bagages de très bons livres, Trois chevaux d’Erri De Luca, deux recueils de poèmes d’Anna Maria Ortese et de Nella Nobili, Maison des autres de Silvio D’Arzo, et bien sûr La Chartreuse, roman que Marcel Proust jugeait « compact, lisse, mauve et doux ».
A Parme, dans le superbe théâtre Farnèse, Laure voit des fantômes, Louis Jouvet, Tadeusz Kantor, Patrice Chéreau, Vaclav Havel, la scène guide la mémoire, et la cristallise.
Puis soudain, à Parme, parce que l’envie est là et qu’il faut y répondre, la voyageuse du temps appelle son amant parisien, afin qu’il la rejoigne.
On ne saura pas grand-chose de lui, mais il est là, il la désire, la fait vivre un peu plus intensément, la ravit, et séduit peut-être davantage encore que la ville trop sage.
Il est luthier, cultivé, il fait bien l’amour.
Les voilà à présent à Bologne, couple durassien dont l’entente est un accord de silences.
Il repart, elle se rend à Turin, pense à Pavese, marche dans une ville vraie et irréelle.
Rendez-vous à Parme est un emportement simple et beau.
On peut y paresser, comme chez Henri Calet, on y est bien.
Michèle Lesbre, Rendez-vous à Parme, Folio, 2021, 128 pages
Michèle Lesbe – site Gallimard