Voyages à Rome, par Bernard Plossu, photographe

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© Bernard Plossu

« Tout au 50 mm en noir et blanc, effets interdits, vision pure, classique – moderne quoi!»

Il y a le monde, oui, peut-être, gisant là comme un pantin effondré, et le monde selon William Klein, Robert Frank, Walker Evans, Pablo Picasso, Jean Siméon Chardin, Giorgio Morandi, et Le Bernin, Borromini, Mimar Sinan.

Il nous faut Paul Cézanne pour approcher un peu ce qu’est une pomme.

Il nous faut Marcel Proust pour comprendre les mystères du temps.

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© Bernard Plossu

Il nous faut Le Christ voilé de Giuseppe Sanmartino pour ne plus craindre de mourir totalement.

Il nous faut Ordet de Carl Theodor Dreyer pour recommencer à prier.

Et il nous faut maintenant Bernard Plossu pour entrer à Rome.

Livre publié par Filigranes Editions – tirages de l’ami italianophile Guillaume Geneste -, Roma est le fruit de trente ans d’arpentages, de déambulations, de flâneries amoureuses dans la ville délicieuse.

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© Bernard Plossu

Le regard est d’un passionné de cinéma (De Sica), de peinture (La Scuola Romana), de littérature (Andrea Camilleri), parce que la culture n’est pas que l’apparat de la domination analysé par Bourdieu, mais un mode d’accès majeur à l’autre, à l’être, à soi.

Ici, les ruines ne sont pas abordées comme un spectacle de délectation romantique, mais comme une source de vie, une puissance existentielle, des directions sensibles.

A Rome, malgré la vulgarité marchande effrayante (relire les Ecrits corsaires de Pier Paolo Pasolini ; revoir Ginger et Fred, de Federico Fellini), nous pouvons ne pas être seuls, mais portés, aspirés, exaltés, par des siècles de raffinement, de délicatesse, de haute civilisation.

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© Bernard Plossu

Pour Plossu, Rome est un aimant, un amer, un amour : « Rome m’attire sans arrêt, j’y vais presque chaque année et je photographie en désordre, surtout rien de systématique ni d’organisé ! Quartier par quartier, n’écoutant que mon instinct et surtout ma passion : je suis amoureux fou de cette ville et, en même temps, de toutes les petites îles italiennes où je vais le plus souvent possible. »

A Rome, il y a les amis, installés ou de passage, le couple Ghirri, l’architecte Massimiliano Fuksas, Jean-Christophe Bailly, Patrick Talbot qui lui fait découvrir l’intégralité du palais Farnèse (un cahier de plus petit format est inséré dans l’ouvrage), tant d’autres.

Toute occasion, invitation, proposition, est bonne à prendre, qui permettra d’effectuer de nouvelles photographies, de faire des découvertes.

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© Bernard Plossu

Non pas d’épuiser le lieu, mais de l’ouvrir toujours davantage.

Aucune grandiloquence ici, mais de l’intimité, de la familiarité, du simple, comme dans un tableau du maître Camille Corot.

Le sublime est un kiosque à journaux inondé de soleil, une devanture de magasin, un tunnel de périphérique, une moulure de cadre, une chaise, les longues jambes d’une passante, un pavé luisant, un if.

Venant de Santa Fe, passé par le désert, Bernard Plossu découvre à Rome un summum de présence, une énigme métaphysique à sa mesure, une joie de Nouvelle Vague poursuivie jusqu’à aujourd’hui.

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© Bernard Plossu

De la classe en pantalon moulant ou robe de soirée, de la piété, des palais.

Des statues ont perdu leur nez, ou leur tête, ou leur phallus, si belles et fortes dans leur vulnérabilité même.

Cité du dieu unique des catholiques, Rome est aussi païenne, polythéiste, animée de mille entités de grande vigueur.

Le photographe la parcourt en tous sens à pied, la regardant aussi de la vitre d’un train, d’un autobus, d’une voiture.

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© Bernard Plossu

Rome est Cinecittà, kinésique, cinétique, cinématographique.

Vous arrivez à Roma Termini, mais tout ne fait pourtant que commencer, recommencer, reprendre vie dans la bande passante de votre regard.

Un pyramidion, une arche, un parapluie.

Des voitures, des escaliers, des jardins.

Des empereurs, des cyclistes, des naïades.

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© Bernard Plossu

Des rails et des murailles.

Le Colysée et ses lions.

Les toitures et les chambres d’hôtel.

Les anonymes, le peuple, la rue.

Roma témoigne du corps de son auteur, d’un esprit sans cesse en mouvement, d’une volonté de voir, encore et encore, jusqu’à l’ivresse.

Roma traverse le temps, entre ici et là, regarde un arbre, une place, une foule, un prêtre, une femme.

Roma ? Amor fati bien sûr.

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Bernard Plossu, Roma, 1979-2009, textes Alain Bergala, Patrick Talbot et Bernard Plossu, Filigranes Editions, 2019, 320 pages

Filigranes Editions

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© Bernard Plossu

Aux côtés de Thomas Chable, Serge Clément et Jacques Damez, Bernard Plossu participera à l’exposition Globe-trotteurs à la galerie Le Réverbère (Lyon), du 7 février au 30 avril 2020

Vernissage le jeudi 6 février de 18h à 21h

Galerie Le Réverbère

Roma de Bernard Plossu est exposé, du 9 janvier au 22 février 2020, à Bordeaux, à la galerie Arrêt sur l’image

Galerie Arrêt sur l’image

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