
« … je sortais de la guerre doucement gâteux, peut-être bien, à la manière de ces splendides idiots de village… »
La phrase est de Jacques Vaché, mais elle pourrait désigner le projet moral du dernier numéro de la revue Possession Immédiate : sortir de la guerre, peut-être plus idiots, moins idiots, idiots, à la façon de qui trouve Lazare en lui et marche en titubant dans la nuit.
Question lancée à chacun des intervenants : Qu’est-ce que 2018 pour vous ?

Le casting est prestigieux, alliant de nouveaux noms aux figures historiques de la revue – ainsi progresse la danse.
Côté texte : Rim Battal, Mehdi Belhaj Kacem, Boris Bergmann, Pablo Duran, Frederika Amalia Finkelstein, Ferdinand Gouzon, Sam Guelimi, Yannick Haenel, Simon Johannin, Cédric Lagandré, Raphaëlle Milone, Lolita Pille, Dominique Ristori, Louise Robin, Clément Roussier, Bertrand Schefer, Georgina Tacou, Mathieu Terence.
Côté images : Christina Abdeeva, Antoine d’Agata, Safouane Ben Slama, Giasco Bertoli, Anton Bialas, Nicolas Chopin-Despres, Chiraz Chouchane, Caroline Corbasson, Masha Demianova, Philippe Grandrieux, Kamilya Kuspanova, Sarra Majdoub, Damien MacDonald, Caroline Poggi & Jonathan Vinel, Anna Prokulevich, Eric Rondepierre, Mickael Soyez, Ben Wrobel.

Mais il y a surtout, d’abord, avant tout, la littérature qui est le nom secret de tous, la composition de la revue de John Jefferson Selve alternant habilement, selon les lois de la pensée analogique, séquences d’images, textes d’une page et citations d’écrivains majeurs : Jacques Prével, Pierre Michon, Georges Bataille, Paul Valéry, Dante, Cristina Campo, François Villon, Martin Heidegger, Samuel Beckett (liste non exhaustive).
Pouvoirs de l’amitié, transmissions (maîtres/élèves), apprentissage des meilleurs katas (lire l’édito) pour traverser l’époque en préservant l’indemne.
Passer de l’ombre à la lumière, de la lumière à l’ombre, célébrer la beauté, l’amour : un poème haptique de Mathieu Terence en fin de volume, comme une main tendue par-delà la mort à sa belle amie, la regrettée Anne Dufourmantelle.

Traverser des forêts, laisser monter les hiéroglyphes (Ferdinand Gouzon), naître, respirer, parler, dialoguer (Dominique Ristori), tenir le journal du vide, de la folie, de l’insurrection (Raphaëlle Milone, Georgina Tacou), chercher la source, se tenir à peu près debout dans le vertige de vivre (Frederika Amalia Finkelstein), s’interroger sur l’invivable et les possibilités d’intervalles (Yannick Haenel et Mehdi Belhaj Kacem), tomber amoureux et rire (Cédric Lagandré), cracher sur les murs (Simon Johannin), sentir (Clément Roussier), plaire, se complaire (Boris Bergmann), chuter (Bertrand Schefer et Rim Battal), s’offrir (Louise Robin), traverser les murs (Pablo Duran), admirer Nicolas Grimaldi (sam Guelimi), vivre entre Paris et Brest (Lolita Pille).
En images, il y a des lucioles, des ordures, des sourires, des déserts, des peintures, des monstruosités, des nymphes extatiques, des mers, des têtes coupées, des voitures brûlées, et une petite fille à la robe jaune.
Voile de dentelle noire masquant et dénudant l’arachnéenne Simone Simon dans La Bête humaine de Jean Renoir, Possession Immédiate s’avance ainsi vers vous, parallèlement, conjointement à la précieuse Edwarda (entrelacement des noms entre les deux revues, comme un vœu), innocente, vénéneuse, indispensable.
Possession Immédiate numéro 8, revue de littéraire et photographique, hiver 2017